Les harengs ont perdu la mémoire collective de leurs routes migratoires
Des chercheurs norvégiens ont remarqué que ces poissons avaient dévié de leurs trajectoires habituelles. Un phénomène qui serait dû à la pêche des harengs âgés qui indiquaient la route aux plus jeunes.
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Des biologistes norvégiens viennent de détecter du changement dans les migrations des harengs. Ces chercheurs ont eu bien du mérite de suivre à la trace ces animaux aquatiques. Ils ont équipé plus de 200 000 poissons de capteurs RFID, scruté les filets des pêcheurs norvégiens, islandais ou des îles Féroé pendant des années et ils ont vu quelque chose d’étrange et d’inédit.
Alors que les harengs avaient l’habitude de se reproduire et de pondre dans des eaux tempérées au large de la région de More, au sud-ouest de la Norvège, ils ont vu les bancs de poissons commencer à changer de trajectoire. Désormais, depuis 2021, ils donnent massivement naissance, chaque année, à 800 kilomètres au nord, au niveau de l’archipel des Lofoten, au-delà du cercle Arctique. Dans des eaux beaucoup plus fraîches, moins accueillantes a priori pour les alevins.
Les trajectoires se transmettent d’une génération à l’autre
Étonnamment, cela n'est pas lié au changement climatique, mais sans doute aux activités humaines. Les pêcheurs de harengs capturent les proies les plus grosses, qui sont aussi les individus les plus âgés, plus de 5 ans. Or les trajectoires de migration se transmettent d’une génération à l’autre, ce sont les spécimens les plus expérimentés qui guident les jeunes vers la bonne direction et leur transmettent leur savoir.
Un apprentissage qui n’est plus possible face au manque de harengs âgés. Les nombreux poissons novices ont dû improviser, et ils se sont retrouvés à 800 kilomètres au Nord. La mémoire collective de cette migration a été perdue, a priori définitivement. Ce qui a d’ailleurs sans doute des conséquences sur l’écosystème de la zone abandonnée, dans le sud-ouest de la Norvège, notamment pour les prédateurs d’œufs de harengs comme les cormorans, les morues ou les crabes.
La pêche et la chasse tiennent peu compte de cet aspect
Ce changement montre l’importance des vieux animaux. C’est un aspect dont on ne tient pas assez compte dans la gestion de la pêche ou de la chasse, où l’on vise souvent les animaux les plus gros, les plus spectaculaires, souvent les plus âgés donc. Ces animaux mentors, qui connaissent les chemins de migration, savent où trouver de l’eau en cas de forte sécheresse, savent mieux identifier les dangers, et stabilisent aussi les relations sociales.
On sait à quel point les grands-mères jouent un rôle crucial chez les cétacés et les éléphants. Chaque vieil animal abattu, c’est une somme d’expérience, de sagesse et de traditions qui risquent de disparaître prématurément. En fait, on se rend compte qu’il ne suffit pas de protéger les populations animales, il faudrait aussi préserver leur culture.
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