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"La traque de Mohamed Amra" (5/8) : itinéraire d'un narcobandit

Qui est Mohamed Amra ? Petit délinquant originaire de Rouen, il gravit petit à petit les échelons dans la criminalité organisée.

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Mohamed Amra, escorté par des officiers des forces spéciales de police armées (SIAS) pour être remis aux autorités françaises au terminal des départs de l'aéroport international Otopeni, près de Bucarest, en Roumanie, le 25 février 2025. (ROBERT GHEMENT / EPA)
Mohamed Amra, escorté par des officiers des forces spéciales de police armées (SIAS) pour être remis aux autorités françaises au terminal des départs de l'aéroport international Otopeni, près de Bucarest, en Roumanie, le 25 février 2025. (ROBERT GHEMENT / EPA)

Le 14 mai 2024, la France a été secouée par une attaque meurtrière et sans précédent au péage d'Incarville. Un fourgon pénitentiaire transportant le détenu Mohamed Amra, 30 ans, surnommé "La Mouche" et connu pour trafic de drogue, a été la cible d'un commando lourdement armé de Kalachnikovs. Cette agression brutale a coûté la vie à deux agents de l'administration pénitentiaire, Arnaud Garcia (34 ans) et Fabrice Moello (52 ans), et en a blessé trois autres. Notre pays a été plongé dans le deuil et la sidération face à la violence et la brutalité du narcobanditisme. Mohamed Amra, qui a participé activement à son évasion en courant derrière ses ravisseurs, est rapidement devenu l'homme le plus recherché de France. Originaire du quartier de la Sablière à Rouen, Mohamed Amra était connu de tous, mais peu osaient parler de lui. Plusieurs anciens l'ont décrit comme "gentil", voire "timide" et "faible" dans sa jeunesse, son surnom "La Mouche" venant de sa manière de bouger beaucoup. Son ancien entraîneur de boxe, qui l'a côtoyé vers l'âge de 8 ans, s'est dit "très surpris" par ce qu'il est devenu, car cela n'avait "rien à voir" avec le garçon qu'il connaissait.

Pourtant, très tôt, le jeune Amra est devenu "ingérable". Il a commis son premier vol à 11 ans et un cambriolage à 13 ans. Exclu de tous les collèges, il n'a pas dépassé la 4e, et à 15 ans, il a été condamné pour la première fois avant d'être placé en centre éducatif fermé. Il s'est ensuite installé à Évreux où il a continué à accumuler les condamnations et les incarcérations. Certains attribuent cette dérive à de "mauvaises rencontres" et à l'attrait de "l'argent facile". Son avocat, Maître Benoît David, a affirmé que Mohamed Amra n'avait "pas du tout envisagé une telle violence" et était "choqué" par la mort des surveillants, déclarant qu'il aurait "peut-être refusé" s'il avait connu une telle conséquence. Il a également souligné que Mohamed Amra était un père de famille et pouvait comprendre la douleur des victimes, n'étant pas "dépourvu d'empathie". La mère de son fils, né en 2020, n'a pas non plus souhaité témoigner, affirmant aux enquêteurs qu'elle ne l'imaginait pas dangereux.

Immédiatement après l'attaque, une traque "hors norme" a été lancée. Malgré la "très bonne hygiène numérique" de Mohamed Amra et de ses complices, qui utilisaient des outils modernes et changeaient fréquemment de matériel, il a finalement été localisé et arrêté le 22 février 2025 en Roumanie, à Bucarest. Lors de son interpellation, il était "très choqué", a reconnu son identité et a même tenté de soudoyer les policiers avec 2 millions d'euros. Depuis son arrestation, Mohamed Amra est placé à l'isolement et dénonce des conditions de détention "extrêmes" : menottage systématique au parloir, surveillance constante, fouilles corporelles intégrales, réveils nocturnes et alternance avec le quartier disciplinaire. L'enquête, qualifiée de "marathon", se poursuit avec une quarantaine de suspects déjà mis en examen, dont "Prof", le chef présumé du commando, et des membres de la BMF (Black Manjak Family), une organisation criminelle soupçonnée d'avoir organisé son évasion. Le prochain épisode du podcast se penchera sur la manière dont Mohamed Amra a pu passer si longtemps sous les radars, même en prison.


Un podcast du service Police-Justice de franceinfo, avec en invités fils rouges : le commissaire Yann Sourisseau, ex-patron de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), et Eric Serfass, le procureur adjoint chargé de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO). 

Production : David Di Giacomo, Pierre de Cossette, Gaële Joly, Mathilde Lemaire, Yannick Falt | Réalisation : Vanessa Nadjar | Rédaction en chef : David Di Giacamo | Coordination : Pauline Pennanec’h | Mixage : Raphaël Rasson 

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