Pourquoi changer le statut juridique des animaux ?
Le 24 octobre dernier, la Fondation "30 millions d'amis" lançait une pétition intitulée : " Pour une évolution juridique de l'animal dans le code civil reconnaissant sa nature d'être sensible. " La pétition était ornée de la signature d'un certain nombre d'intellectuels et philosophes, et non des moindres : citons Boris Cyrulnik, Michel Onfray, Edgar Morin, Luc Ferry, Alain Finkielkraut, André Comte-Sponville, Elisabeth de Fontenay ou encore Hubert Reeves. Voyons déjà quel est le statut des animaux dans le droit français.
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Nous vivons avec une législation incohérente et
schizophrénique. D'un côté, l'article 512-1 du Code pénal punit " le fait,
publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de
commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu
en captivité " d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et 30.000
euros d'amende. On a donc l'impression qu'implicitement, l'animal est ici
titulaire d'un droit : celui de ne pas être violé ni agressé
physiquement.
L'animal est un bien meuble.
Cependant, ce droit n'est pas reconnu par le Code civil, qui
date de 1804, donc d'une époque où la France était un pays agricole, et qui nous
explique que l'animal est un " bien meuble ", au même titre qu'une chaise ou une
table. Le code civil reconnaît deux catégories : les biens et les personnes.
Seules ces dernières sont titulaires de droit. Ce que demandent donc les
signataires de la pétition lancée par 30 millions d'amis , c'est la création d'un
statut intermédiaire entre les biens et les personnes – qui pourrait être par
exemple celui de " sujet de droit ".
Et la philosophie peut nous aider à définir ce
nouveau statut ?
Il faut savoir que, depuis les années 1970, de
nombreux philosophes (principalement) anglo-américains travaillent dans un
domaine qu'on appelle l'éthique animale, et réclament des droits pour les
animaux. Sauf qu'ils ne sont pas tous d'accord entre eux sur ce qui justifie
d'accorder des droits aux animaux. Il y a trois grandes approches
possibles :
1- L'approche déontologique.
Cette approche nous dit que
nous ne devons pas maltraiter les animaux parce qu'ils éprouvent de la douleur,
mais aussi de la souffrance et du plaisir, et qu'ils sont attachés au simple
fait d'exister. De même que nous devons le respect aux autres êtres humains et
que nous ne pouvons pas les blesser, les violer ou les tuer à notre guise, nous
devons étendre notre respect à tous les animaux qui sont " sujets-d'une-vie ",
ce qui exclut probablement les insectes, la plupart des invertébrés ou les
microbes, mais englobe les poissons, les homards et les oiseaux. (Le plus
célèbre représentant de cette approche est Tom Regan, auteur de Les Droits
des animaux , qui date de 1983, mais vient seulement d'être traduit en France
par les éditions Hermann).
2-L'approche conséquentialiste.
L'idée est de ne pas
nuire aux autres, et de faire ce qui est le mieux pour le bien-être collectif,
en intégrant à cette notion de " collectif " les humains mais aussi tous les
animaux sensibles. Dans le cadre d'une telle approche, on fait des arbitrages :
on peut décider de tuer un animal enragé pour sauver un homme, ou de dératiser
sa maison, par exemple. Inversement, il vaut mieux sauver la vie d'un chien que
d'un enfant très lourdement handicapé (thèse choquante défendue par Peter
Singer). Ce qui doit nous guider, c'est le projet de créer le meilleur monde
possible pour tous les vivants sensibles. (Le partisan le plus célèbre de cette
approche est Peter Singer, auteur de La Libération animale ,
1983).
3- L'approche par la compassion.
Plus proche du sens commun : c'est l'approche de ceux qui aiment les animaux.
C'est une approche défendue par celles qu'on appelle les éco féministes, mais
également par la philosophe française Elisabeth de Fontenay, qui critique la
froideur rationnelle des arguments des déontologues et des conséquentialistes,
et qui propose de s'en remettre à la " sagesse de l'amour " ou encore à des " fragments de pensée non démonstrative ".
Donc,
pour résumer, il y aurait trois question d'accorder un statut juridique aux
animaux : parce que c'est bien et qu'il est mal de les faire souffrir ; parce
que les hommes en sont responsables et doivent prendre leurs décisions en
fonction de leurs intérêts propres mais aussi des intérêts des autres êtres
sensibles ; parce que nous les aimons. La position la plus consistante
juridiquement est évidemment la première, malgré sa froideur
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