Tourisme : "Nous ne sommes plus que quatrième mondial", regrette le président de d'Alliance France Tourisme

"Nous ne sommes pas le premier en termes de volume de dépenses touristiques", souligne Dominique Marcel, le président d’Alliance France Tourisme.

Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Dominique Marcel, le président d’Alliance France Tourisme, le 2 juillet 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Dominique Marcel, le président d’Alliance France Tourisme, le 2 juillet 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ce qui est important, c'est la dépense touristique, ce n'est pas le nombre. Le nombre de touristes influe, mais ça ne suffit pas et nous ne sommes plus que quatrième", détaille mercredi 2 juillet sur franceinfo Dominique Marcel, le président d'Alliance France Tourisme. Selon l'index du forum économique mondial, la France est la quatrième économie touristique de la planète, derrière les États-Unis, l'Espagne et le Japon.

Alliance France Tourisme rassemble des acteurs du secteur touristique, Accor, SNCF Connect, la Compagnie des Alpes, entre autres. Elle organise jeudi 3 juillet un colloque au Palais du Luxembourg au Sénat, en partenariat avec Régions de France, sur les enjeux de ce secteur, dont le thème est "100 millions de touristes en France : réalité ou totem politique ?"

Franceinfo : On entend souvent que la France est la première destination touristique du monde, avec plus de 100 millions de touristes internationaux accueillis en France l'an dernier. Vous parlez de "totem", ça signifie que ce n'est pas vrai ?

Dominique Marcel : Si, même si les statistiques ne sont pas toujours très robustes, c'est vrai. Ça signifie des choses, mais ça ne signifie pas que nous sommes le leader mondial. Nous sommes un leader mondial. Ce qui est important, c'est la dépense touristique, c'est la dépense globale, ce n'est pas le nombre. Le nombre de touristes influe, mais ça ne suffit pas et nous ne sommes plus que quatrième.

Pourquoi ?

Parce que la dépense moyenne est évidemment moins élevée. Et pourquoi elle l'est ? En partie parce que la France est un pays de passage. Et notamment, c'est une raison géographique. Vous venez du nord de l'Europe, d'Allemagne, des Pays-Bas, d'autres pays et vous allez en Italie, vous allez en Espagne. Or, vous savez que pour être considéré comme un touriste au sens des statistiques internationales, il faut avoir passé une journée et une nuit, une nuit en fait. Donc ça ne reflète pas complètement la présence touristique dans le pays. Et de manière générale, il y a d'autres raisons, la durée moyenne est inférieure. Donc la France est bien sûr un leader mondial. La France dispose de plein d'atouts et la France est un pays formidable pour le tourisme. Mais il ne faut pas s'autocongratuler et se payer de mots. Nous ne sommes pas le premier en termes de volume de dépenses touristiques.

Pourtant le tourisme représente une part conséquente de notre PIB, entre 5 et 8% ?

Bien sûr parce que c'est toujours un peu compliqué et c'est d'ailleurs un sujet, c'est que les statistiques ne sont pas très souvent... On les a avec retard, elles ne sont pas très robustes, il y a beaucoup d'offices qui les délivrent. Et donc on a beaucoup de mal à suivre ce secteur, ce qui n'est pas un problème mince et ça nous importe d'avoir un meilleur outil statistique. Mais ce qui est aussi important, c'est que les entreprises françaises, le secteur a fait preuve d'une superbe résilience après le Covid, chacun en est d'accord, mais les autres pays aussi. Et certains pays nous dépassent. L'Espagne, par exemple, l'an dernier a performé, a augmenté de plus 8% là où en gros on stagnait. Alors c'est vrai que l'année dernière c'était une année olympique et curieusement, les années olympiques ne sont pas forcément les meilleures années et on espère d'ailleurs que grâce à l'héritage des Jeux, cette année sera une meilleure année. Mais il n'empêche qu'on peut être dépassé, qu'on n'est plus les premiers, qu'on est les quatrièmes et donc qu'il faut clairement se prendre en main. Ce n'est pas gagné. Il y a une tendance très forte des pouvoirs publics depuis toujours, mais pas que des pouvoirs publics de tout le monde. Le tourisme, ça marchera toujours en France.

Vous dites qu'il ne faut pas se reposer sur nos lauriers, que faut-il faire ?

Ce qu'il faut faire, c'est d'abord investir. Tout le monde doit investir, les entreprises au premier chef, évidemment. Investir dans un tourisme plus durable qui corresponde mieux aux attentes des Français, plus inscrits dans l'environnement local, plus conforme aux exigences des populations. Parce que les populations locales, elles ont leur mot à dire sur le tourisme à un moment où il y a un certain nombre de gens qui remettent un peu en cause le tourisme. Donc il faut tenir compte de tout cela.

Il y a des situations de surtourisme.

Exactement. Donc il y a un gros effort d'investissement. Il y a notamment un gros effort d'investissement en matière de rénovation des hébergements. Vous savez que le problème se pose d'une particulière acuité en montagne, il se pose sur le littoral où il y a des lits qui ne sont plus véritablement actifs, qui deviennent ce qu'on appelle des lits froids. Donc l'offre doit être considérablement rénovée, notamment pour, encore une fois, répondre aux attentes des visiteurs et répondre aussi à la transition énergétique, à la transition écologique.

Nous traversons une période de canicule, il faut aussi se repenser en aillant en tête le réchauffement climatique ?

Évidemment. Mais j'ai vu ici, là que la canicule remettait en cause le tourisme. Non, au contraire, il faut partir. Partir en montagne, partir à la mer, partir en forêt, partir dans la nature, c'est évidemment mieux qu'être en ville. Mais le tourisme doit s'adapter à aux contraintes et à la nouvelle situation que pose la canicule.

Les collectivités locales doivent-elles investir également ?

Les collectivités locales peuvent investir. Et moi j'ai eu par exemple la chance, quand j'étais président de la Compagnie des Alpes, nous gérions le Futuroscope et nous avons fait un partenariat avec le département de la Vienne, avec Bruno Belin, qui d'ailleurs organise avec nous et qui sera demain l'un des organisateurs de cette table ronde, on a fait un partenariat sur dix ans avec des investissements de part et d'autre qui est extrêmement profitable au Futuroscope, à la Région, à la collectivité. Donc les co-investissements sont évidemment une bonne chose. Mais nous ne demandons pas, et les entreprises d'ailleurs, nous ne sommes pas demandeurs systématiquement d'argent public. On sait que l'argent public est rare. Et on ne va pas être en contradiction, nous, entreprises à la fois à demander de baisser les prélèvements et d'augmenter les financements publics. Dans certains cas, ce peut être rentable, il y a des investissements qui peuvent être très rentables pour les collectivités, il faut y aller sans frilosité. Mais on a aussi besoin d'elles pour nous accompagner, pour faciliter les projets. Et on a besoin à la fois de leurs conseils, qu'elles les présentent à la population, qu'elles nous aident. Car comme vous le savez, ce n'est pas toujours facile, particulièrement dans ce pays, quand vous faites un projet, la première des choses, c'est qu'on le remet en cause, en en trouvant tous les défauts.

Comment se présente l'été pour le secteur touristique français ?

C'est encore très prématuré de le dire. Nous pensons, on espère bien évidemment qu'il sera bon. Parce que l'héritage des Jeux olympiques a été très positif. Ça a donné une image de la France qui est très bonne et on a vraiment un très bel héritage des Jeux. Ensuite, on verra. Je ne lis pas dans le marc de café, mais en tout cas on l'espère. Mais encore une fois, même si le résultat est bon, une hirondelle ne fait pas le printemps. Il faut travailler dans la durée. C'est maintenant qu'il faut travailler pour être encore leader dans dix ans.

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