Seniors au travail : "Il faut communiquer, agir avec bienveillance et respect", insiste Sibylle Le Maire, fondatrice du club Landoy

Alors que l'allongement de la vie et la faible employabilité des seniors soulèvent des questions importantes, Sibylle Le Maire, fondatrice du club Landoy et directrice délégué du groupe Bayard, plaide pour des actions concrètes dans les entreprises afin de mieux intégrer les seniors.

Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Sybille Le Maire, fondatrice du club Landoy et directrice délégué du groupe Bayard, le 12 mars 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Sybille Le Maire, fondatrice du club Landoy et directrice délégué du groupe Bayard, le 12 mars 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le système de retraite par répartition en France, avec ses enjeux financiers, est au cœur des débats, notamment en raison de l'allongement de la durée de vie et des changements démographiques qui transforment le paysage de l'emploi. La question de l'âge de départ à la retraite, du maintien de la réforme repoussant cet âge à 64 ans, ou d'éventuels ajustements à y apporter, soulève de nombreuses interrogations. Parallèlement, une problématique persiste : l'emploi des seniors, qui reste souvent lié aux enjeux de retraite, malgré des taux d'emploi relativement faibles des plus de 60 ans. Sibylle Le Maire, fondatrice du club Landoy et directrice délégué du groupe Bayard, nous éclaire sur les mesures à mettre en place dans les entreprises pour améliorer la situation des seniors. 

franceinfo : Comment atteindre l'équilibre financier de notre système de retraite par répartition ? Faut-il revenir sur la question de l'âge de départ ? Est-ce que c'est logique ? Est-ce que c'est normal que la question de l'emploi des seniors est toujours associée à celle des retraites ?

Sibylle Le Maire : Possiblement, on va peut-être se donner deux éléments de contexte qui expliquent cette question qui est encore présente aujourd'hui. Il y a deux phénomènes qu'il faut bien comprendre. Le premier, c'est l'allongement de la vie. On a gagné dix années de vie ces 50 dernières années. Donc la question qu'on peut se poser, c'est qu'est-ce que je fais de ce temps supplémentaire qui m'est donné ? Si je parle du lecteur de Popi, il faut quand même prendre conscience.

Alors Popi, c'est pour les tout-petits ?

Commençons par là. Mais le lecteur de Popi, qui a 18 mois aujourd'hui probablement, va vivre 100 ans. C'est ça la question qu'on doit se poser. Et il y a un double phénomène, c'est qu'il y a aussi un effet de longévité, d'allongement, donc une question de temps et une question de masse. Si on parle des babyboomers, c'est-à-dire les personnes qui sont nées entre 1945 et 1974, on parle de 24 millions de personnes. Au club, on a le sentiment que c'est une réalité dont on n'a pas tiré les conséquences de cette démographie.

Oui, parce qu'on voit qu'aujourd'hui, le taux d'emploi des seniors et toujours aussi bas, on a des taux d'emploi des plus de 60-64 ans qui est 33 % en France qui est un des plus faibles d'Europe. Donc finalement, ça veut dire qu'on n'a pas tiré les conclusions de cet enjeu démographique que vous venez d'écrire.

Alors, si je peux me permettre, vous avez raison et pas tout à fait quand même. Alors on va décomposer les chiffres parce qu'ils ont leur importance. 

"Jusqu'à 59 ans, réjouissons-nous, la France performe. On est à 76 % de taux d'emploi."

Sibylle Le Maire

à franceinfo

C'est-à-dire que jusqu'à 60 ans, on a un taux d'emploi qui est plutôt bon.

Tout roule. Le problème, c'est après. Et les Français ne s'y trompent pas parce qu'au club, on a fait un baromètre de la France qui vieillit et il y a effectivement un âge pivot à 50 ans dans l'entreprise où les Français disent avoir le sentiment d'avoir moins d'accès à l'information, moins d'accès à la mobilité et avoir effectivement un problème pour être recruté. Et c'est ça ce dont il faut se saisir.

Alors, justement, vous réfléchissez sur ces questions au sein d'un collectif d'entreprise. Quelles sont les mesures simples qu'on peut mettre en place dans les entreprises pour que cette perception ne soit pas la réalité, de se sentir plus utile dans une entreprise à partir de 50 ans ?

Alors, je vous remercie de poser cette question parce qu'il y a effectivement des solutions faciles, accessibles, déployables, j'en donnerai deux. La première, c'est la charte d'engagement pour les collaborateurs de plus de 50 ans, la charte 50+. 147 entreprises l'ont signé en France aujourd'hui. Nous signons à nouveau sur cette charte le 29 avril prochain. Donc, je fais un appel à l'ensemble des entreprises qui souhaitent la signer. Elle est téléchargeable, accessible, avec des mises en œuvre qui nous semblaient pertinentes pour toutes tailles, tous types d'entreprises.

Quelles sont les mesures simples que l'on peut adopter dès maintenant ?

Alors, aussi simple que ça puisse paraître, communiquer, c'est déjà beaucoup. Parce qu'une partie des employés des entreprises ne se sentent plus considérés. Donc il faut à la fois communiquer et agir avec bienveillance et respect et se soucier de la question de l'employabilité des personnes, c'est-à-dire leur donner cette capacité de projection le plus longtemps possible. Et l'employabilité a deux pieds, celui de la formation. L'éducation, c'est le travail d'une vie.

Parce que vous disiez justement que dans la perception des salariés les plus âgés, ils disaient qu'ils n'avaient plus accès à la formation. C'est une réalité aujourd'hui.

C'était une réalité.

"Les entreprises ont quand même compris que, ne serait-ce que pour elles, pour tirer parti de cette longévité et maintenir le taux de productivité en France, il faut maintenir les personnes en emploi le plus longtemps possible."

Sibylle Le Maire

à franceinfo

Et pour cela, il faut les former et effectivement participer de la mobilité des personnes lorsqu'elles le demandent.

Et le déclic, à votre avis, il vient d'où ? Il vient du fait justement qu'il y a des réformes des retraites qui se succèdent et que les entreprises aujourd'hui ont conscience que les salariés vont rester plus longtemps au sein de l'entreprise ?  

Moi, j'ai une formule qui en fait résume un peu cette pensée, c'est qu'on a conscience d'une solidarité collective qui est nécessaire : l'accès aux soins, les retraites pour tous. Mais cette solidarité collective, elle doit être aussi adossée à une responsabilité individuelle. Et pour cela, il faut rendre ces sujets très accessibles au plus grand nombre.

Et c'est pour ça que vous parlez de communication.

Je parle aussi de communication. Alors ça va plus loin que la communication. Ce sont aussi des programmes qui sont mis en œuvre au sein des entreprises. Je peux en citer deux. Alors, vous allez me dire ce sont des grandes entreprises.

J'imagine que dans les 150 entreprises, ce sont surtout des grandes entreprises.

Pas du tout. Il y a des toutes petites entreprises aussi. On est en train de faire un partenariat avec les entreprises qui s'engage pour un déploiement sur les territoires qui nous semble tout aussi pertinent. On le rend accessible, c'est téléchargeable partout. Et effectivement, sur ces questions, il y a la question de la charte aussi. Et puis, à l'intérieur de la charte, on s'est rendu compte qu'il y avait un phénomène plus particulier sur les personnes de plus de 50 ans qui était l’aidance par exemple, et on a lancé une coalition des entreprises pour les aidants "Aidants, parlons-en".

Parce qu'en fait, les salariés de plus de 50 ans sont aussi souvent aidants parfois, et en tout cas pour leurs parents plus âgés. C'est ça que vous êtes en train de nous dire ? Il faut que l'entreprise s'adapte ?

Il faut que l'entreprise s'adapte et que les personnes soient prévenues le plus tôt possible.

Alors, il y a des dispositifs qui existent, comme la retraite progressive. Il y a aussi un accord national interprofessionnel qui a été signé à l'automne dernier, qui parle de temps de travail, qu’on n'est pas obligé de travailler aujourd'hui autant d'heures que les autres. Est-ce que ça, c'est aussi des pistes que vous regardez de près, la retraite progressive, un retour au temps partiel pour les séniors ? Est-ce que ce sont des pistes intéressantes à mettre en place au sein des entreprises dès maintenant ?

Tout ce qui participe à un meilleur bien être des employés dans l'entreprise et à leur maintien dans l'emploi le plus longtemps possible, à mon avis, sont des bonnes solutions.

Et ça, ça permet d'avoir un passage vers la retraite qui soit plus facile.

Comme le cumul emploi retraite, j’ai envie de dire.

Oui, mais ça ne marche pas très bien, vous le savez bien. Ce sont des dispositifs qui existent, mais qui sont très peu utilisés aujourd'hui.

Peu connus.

Oui, mais peu utilisés aussi. Peut-être qu'ils ne sont peut-être pas très incitatifs, très attractifs aujourd'hui pour les futurs retraités.

Certainement. Mais ce que je vois surtout, c'est qu'ils sont peu connus de la part des employés. Il y a une impréparation. Le baromètre de la France qui vieillit le dit très bien. Il y a une très grande impréparation des collaborateurs à leur retraite.

Il n'y a pas une réticence aussi des chefs d'entreprises à mettre en place des dispositifs. Ils vont se dire que ça va être des lourdeurs administratives. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une réticence et est-ce qu'il n'y a pas une formation à faire des chefs d'entreprise pour qu'ils mettent en place ces dispositifs ?

Ils le font et le font au niveau des managers. Mais j'ai envie de vous dire, par exemple, sur la question des aidants, dont la première réaction a été de dire qu'ils vont demander du temps et de l'argent. On a lancé une étude, ce n'est pas ce qu'elles demandent les personnes aidantes, elles demandent trois choses. La première, c'est d'avoir effectivement un accompagnement administratif. La deuxième, c'est autant que faire se peut, un accompagnement, une mobilité géographique. Et la troisième chose, c'est une valorisation d'acquis des compétences.

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