Prix de l'électricité : malgré la baisse de 15% du tarif réglementé, "cela reste la tarification la plus chère", selon le président d'EkWateur
EkWateur se revendique comme le 5e fournisseur d'énergie en France, avec uniquement des énergies renouvelables. Comment va-t-elle se positionner face au tarif réglementé qui baisse en ce début février ? Son président Julien Tchernia nous répond.
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À partir du 1er février, le tarif réglementé de l’électricité va baisser de 15% pour la première fois en 10 ans. Cela va concerner 24 millions de Français. Une famille de quatre personnes, utilisant l'électricité pour cuisiner et se chauffer, devrait économiser 651 euros sur l'année et une famille de trois personnes gagnera 389 euros.
Julien Tchernia, président et cofondateur d'EkWateur, cinquième fournisseur d'énergie en France, avec uniquement des énergies renouvelables, rappelle sur franceinfo que, malgré cette baisse, on peut trouver chez la concurrence des offres moins chères que le tarif réglementé, même après la baisse.
franceinfo : Samedi, les prix de l'électricité vont baisser de 15% pour les abonnés aux tarifs réglementés ou indexés sur ces tarifs. Chez vous, est-ce que ça va baisser ou augmenter ?
Julien Tchernia : Chez nous et chez tous les fournisseurs alternatifs, ça a baissé depuis le 1ᵉʳ janvier 2024. C'est-à-dire que nos clients ont eu des prix qui étaient en moyenne 20% moins chers que les tarifs réglementés de vente sur toute l'année 2024. Et donc, ce que je propose à tous ceux qui sont aux tarifs réglementés de vente cette année et qui vont avoir effectivement, s'ils ne font rien, une baisse de 15%, c'est d'aller sur le médiateur de l'énergie. Et vous trouverez des offres encore moins chères que le tarif réglementé de vente après cette réduction.
"En réalité, les marchés ont baissé de 29%. Et l'État, lui, augmente le prix du tarif de tout le monde, en augmentant les taxes et le coût du transport."
Julien Tchernia, président et cofondateur d'EkWateurà franceinfo
C'est bien sûr son choix souverain, d'augmenter la fiscalité sur l'électricité. Par contre, les prix de marché sont reflétés dans toutes les offres, et donc on retrouve un peu la concurrence. La seule différence cette année et qui est spécifique par rapport à l'année d'avant, c'est que les tarifs réglementés de vente étaient excessivement hauts en 2024. C'est ça le sujet.
La CRE, qui est l'autorité de régulation de l'énergie, estime qu'il y a une augmentation possible pour ces contrats non indexés sur les tarifs encadrés, de 8 à 9%. Est-ce que c'est vrai ?
Oui, effectivement, c'est vrai. Et ce qui est intéressant, c'est que malgré cette hausse, les prix restent inférieurs aux prix des tarifs réglementés de vente après la baisse. Et c'est ça qu'on entend assez peu dire de la part des politiques, c'est que finalement aujourd'hui, un tarif réglementé reste, par rapport à la plupart des offres, la tarification la plus chère. Donc c'est important quand même de permettre aux gens de choisir.
Certes, mais est-ce que pour maintenir l'écart avec les tarifs bleus d'EDF, vous allez rogner sur vos marges ?
Alors chacun a sa politique tarifaire. Nous, pour rester moins chers, pour l'instant, on ne rogne pas sur nos marges. Ça veut dire que le différentiel est beaucoup plus faible qu'auparavant, puisque les tarifs réglementés de vente maintenant reflètent une baisse des prix qui est une très bonne nouvelle. Et j'aimerais parler de ça. Les prix ont été très très élevés parce qu'on a subi le troisième choc pétrolier avec un problème d'approvisionnement en gaz, que l'Europe a réglé en récupérant du gaz américain. Avec un gros problème de production nucléaire en France qui est presque réglé par EDF. Avec à l'époque aussi une sécheresse et donc très peu de stocks dans les barrages hydrauliques, ce qui inquiétait beaucoup tous les marchés.
On avait des prix de marché qui étaient autour de 1 000 euros le mégawattheure, alors que moi d'habitude, j'achète à 50 euros du mégawattheure. Donc, on était sur des situations incroyables, surtout pour nos clients. Aujourd'hui, on est revenu sur les marchés à 70 euros du mégawattheure. Ce n’est pas encore ce qu'on avait avant, mais c'est quand même beaucoup plus acceptable. D'où le fait que les prix peuvent être moins chers. Ça reste une hausse de 30% entre avant crise et maintenant.
Vous êtes président de l'Anode, une association de fournisseurs alternatifs, et un autre changement va intervenir demain. Les très petites entreprises et les artisans vont pouvoir bénéficier de ces fameux tarifs réglementés. Et même les gros consommateurs que sont par exemple les boulangers. Est-ce que ces clients-là risquent de vous quitter ?
Ces clients-là vont pouvoir, comme ils le font déjà d'ailleurs pour un certain nombre d'entre eux, comparer les prix. Eh bien, si jamais on est plus cher, ils iront là où c'est moins cher. C'est ce qui les intéresse le plus, c'est le prix, ils feront comme tout le monde. Moi, j'ai l'habitude de dire : que le meilleur gagne. Aujourd'hui, objectivement, si on regarde les prix, le tarif réglementé de vente étant plus cher que la plupart des autres tarifs, on n'est pas très inquiets du départ des gens, parce que s'ils comparent, ils vont rester là.
Au moment de ces variations de tarifs, la CRE, l'Autorité de régulation de l'énergie, a décidé de renforcer ses contrôles sur les offres des alternatifs que vous représentez aujourd'hui. Est-ce qu'il y a des soupçons sur les pratiques de vos collègues en général ? Est-ce que, en clair, les offres de ces fournisseurs ne sont pas parfois pleines de pièges ?
D'abord, notre association travaille de concert avec la Commission de régulation de l'énergie pour ses règles prudentielles et pour ses lignes directrices. Et il y a une semaine, il y a une étude de la DGCCRF, la répression des fraudes, qui a fait une une grande enquête au niveau national. Et ce qu'il en ressort, c'est que ce sont principalement les zones où il n'y a pas de concurrence, les ELD, où il y a des gros problèmes de compatibilité de conditions générales de vente.
D'après le communiqué de presse, il est écrit que, sur l'ensemble des fournisseurs qu'ils ont vus, il y en avait quatre qui ont eu des injonctions. Et que la plupart étaient des entreprises locales de distribution en situation de monopole, avec parfois pour certaines des conditions générales de vente qui n'avaient pas bougé depuis 2015. Donc, nous, à l'Anode, on regarde ça avec étonnement.
"Aucun fournisseur alternatif n'est concerné par les injonctions de la répression des fraudes. Et on voudrait souligner le fait que la concurrence amène toujours plus de bonnes pratiques."
Julien Tchernia, président et cofondateur d'EkWateurà franceinfo
À propos de concurrence, vous dénoncez les tarifs réglementés. Vous évoquez une illusion de protection. Vous dites même qu'il faudrait les supprimer, par exemple à partir de l'an prochain ?
Oui, même cette année. En fait, je n'ai rien contre les tarifs réglementés et leur existence. J'ai beaucoup contre leur instrumentalisation politique. Prenez l'exemple de la campagne électorale du mois de juin pour les législatives. Vous avez entendu des partis qui disaient : 'Quand je serai au Premier ministre, je ferai baisser le prix, j'enlèverai la TVA.' Et puis d'autres qui disaient : 'Vous verrez, moi, dès février, ce sera 10% de moins.' À ce moment-là, il leur suffisait de dire pour améliorer le pouvoir d'achat des Français : 'Regardez les offres de marché, même EDF est 20% moins chers que les tarifs réglementés de vente.'
Pourtant, 70% des foyers restent attachés à ces tarifs indexés.
Et c'est bien ce que je reproche à leur existence. Parce qu'ils sont mis en avant par les politiques, vous comprenez que là, on a une taxation dont le calcul dépendait du prix de marché. Et donc on a finalement une espèce de tambouille qui regarde combien ça coûte, et qui va rajouter la taxe qu'on veut. Et ça, c'est de l'instrumentalisation politique, d'une formule comme une autre. Et c'est au détriment des Français qui font confiance à la parole des politiques.
Ou qui font confiance à leur facture. Parce que ces tarifs, ils ont été moins chers en moyenne que les offres alternatives en 2022, c'est-à-dire au moment où la crise a fait que l'énergie a vraiment atteint des prix importants.
Alors, en 2022, ils ont été moins chers, surtout au début, puisque le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement ne s'appliquait qu'aux tarifs réglementés de vente et pas aux offres des alternatifs. Et ça, ça a été bien démontré par l'Autorité de la concurrence et par la Commission de régulation de l'énergie. Ce qui a protégé les Français pendant la crise, ce ne sont pas les tarifs réglementés de vente, mais bien les boucliers tarifaires, et heureusement pour nos clients que l'État les a mis en place.
L'an prochain, une révolution pour les tarifs de l'électricité, avec la fin d'un mécanisme de protection qui est baptisé ARENH, l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique. Ça va faire augmenter mécaniquement les tarifs de l'énergie d'origine nucléaire. On va vers l'inconnu ? Vous avez une inquiétude ?
On a une inquiétude pour nos clients. Nous, on a des sortes de stations-service, de l'électricité et du gaz. Si le pétrole coûte plus cher, le prix à la pompe coûte plus cher, ce n'est pas la faute de la station-service. Donc en soi, ce ne serait pas un sujet pour nous. Par contre, c'est un sujet pour nos clients. Aujourd'hui en France, depuis 2010, vous avez ce système ARENH qui redistribue une partie de la rente nucléaire d'EDF à tous les Français. Un peu comme un péage d'autoroute, le prix de vente du péage d'autoroute est réglementé, pour pas que la société privée qui possède l'autoroute puisse faire toutes les marges qu'ils veulent. Ce système arrive normalement à la fin au 31 décembre, et rien ou très peu n'est prévu pour le remplacer. Le calcul, c'est si c'était arrêté aujourd'hui, ce serait 15% de plus. C’est-à-dire que la baisse qu'on a vue, là, disparaîtrait si c'est le système de l'ARENH avait été fini dès le 1ᵉʳ janvier.
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