Paquebots et environnement : "Sur ce parcours de transition, nous sommes hyperactifs", assure le directeur France de MSC Croisières
C'est une forme de tourisme qui se développe à grande vitesse mais qui est aussi fortement décriée : le marché de la croisière. L'un des leaders du secteur est MSC Croisières, dont le directeur général France est l'invité de franceinfo.
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Malgré les remous provoqués aux États-Unis par la politique internationale de Donald Trump, MSC Croisières croit au marché américain. Un nouveau bateau sort d'ailleurs des Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire cette semaine : le MSC World America. C'est l'actualité du leader européen de la croisière moderne, dont l'enjeu majeur est aussi l'impact sur l'environnement de ces géants des mers. Patrick Pourbaix, le directeur général France de MSC décrit les moyens déployés pour arriver à un objectif zéro émission d'ici 2050.
franceinfo : Comme son nom l'indique, le MSC World America va plutôt sillonner les côtes américaines…
Patrick Pourbaix : Il va partir des États-Unis, mais en fait, il va fréquenter la zone des Caraïbes, donc il y sera pendant toute la saison.
Il part cette semaine ?
Oui, ce jeudi, à Saint-Nazaire. C'est un partenariat depuis plus de 20 ans avec les Chantiers de l'Atlantique, avec quand même 15 milliards d'euros d'investissement, et c'est pour nous le 19e bateau (sur une flotte de 23) construit par les Chantiers de l'Atlantique.
Donc vous croyez dans le marché américain, malgré la menace des droits de douane du nouveau président Donald Trump, malgré les tensions de plus en plus vives des deux côtés de l'Atlantique, ça ne va pas contrarier vos plans ?
Nous sommes une compagnie européenne, donc c'est vrai que nous avons d'abord développé notre compagnie sur le marché européen, où nous sommes devenus le leader. Nous sommes d'ailleurs leader également en France : plus d'un Français sur deux qui part en croisière, c'est avec MSC Croisières. Et puis bien évidemment, il était important de se pencher un peu sur ce marché américain qui représente la moitié du marché mondial. Les Américains sont très friands de croisières et, puisqu'on a déjà des paquebots positionnés là-bas, ils sont très friands de cette offre très différenciante, avec des bateaux à l'européenne, un style de vie, un art de vivre européen qui est très prisé dans le monde entier.
Donc dans ce marché en forte croissance, votre cible est du côté des États-Unis. Vous avez d'ailleurs dépensé beaucoup d'argent lors du Super Bowl, l'événement sportif le plus regardé, avec une pub montrant deux stars hollywoodiennes : Drew Barrymore et Orlando Bloom. Ce n'est quand même pas rien ?
Drew Barrymore sera d'ailleurs la marraine du navire, qui sera inauguré à Miami le 9 avril. Oui, bien sûr, le marché américain est important. C'est la moitié du marché mondial, donc on ne peut pas passer à côté. Mais avec des codes européens et des paquebots construits en France.
"Il y a 7 500 salariés qui travaillent aux Chantiers de l'Atlantique pour construire nos navires."
Patrick Pourbaix, le directeur général France de MSC Croisièresà franceinfo
500 sociétés rayonnent tout autour et alimentent tout ce qui fait le bateau. Quand on sait ça, 70% de tout ce qui est nécessaire à la construction du bateau vient de France. Et si on élargit, c'est même 90% qui vient d'Europe. Donc ça reste très européen.
Mais quand même, avec ces tensions internationales, on a vu qu'il y avait moins de réservations vers les États-Unis dans les prochains mois. Pour vous, les réservations sont là pour cet été ?
Les réservations en témoignent, il n'y a pas de baisse. Mais on part de Miami et on va directement vers la zone Caraïbes, donc c'est vraiment ça la destination.
Les Français commencent à se mettre à la croisière, mais ça reste un demi-million de passagers en France. C'est beaucoup moins que dans les autres pays européens. Il y a vraiment une marge de progression importante ?
Très importante. Et ce qui est drôle, c'est que quand on constate l'effet, les Français adorent la croisière. 84% des Français qui sont partis en croisière repartent en croisière dans les trois ans. Donc les Français adorent la croisière, mais ils ne le savent pas eux-mêmes. De nombreux Français n'ont pas encore perçu finalement ce qu'est la croisière moderne avec ses grands navires.
Qui justement sont vos clients ? On peut avoir un cliché de personnes plutôt âgées.
Ça fait déjà deux décennies qu'on le répète : notre moyenne d'âge, c'est 44 ans. C'est la même moyenne d'âge que les clubs de vacances. Donc ces clichés-là sont derrière nous. Et quand on voit la fréquentation de nos bateaux, par exemple au départ de Marseille, ce sont des familles avec enfants. Les bateaux d'ailleurs sont construits pour les familles, avec des parcs aquatiques, des toboggans.
Pour 6 000 passagers ?
Oui, 6 000 passagers, mais sur un bateau qui est très vaste. Donc finalement l'espace moyen par passager, est gigantesque. Et ce qui fait la croisière moderne, c'est le fait que le bateau est devenu un village flottant. Contrairement à l'idée reçue qu'on va être les uns sur les autres, le grand bateau a au contraire libéré les passagers. On a 18 restaurants, 19 bars à bord, deux salles de spectacle, donc il y a tout le temps le choix d'une activité ou d'une autre. Et c'est ça que les Français aiment dans la croisière, comme le reste des Européens et le reste du monde.
Il y a les aspects sociaux et les aspects environnementaux. Plusieurs ports ont interdit aux grands paquebots d'accoster en centre-ville. C'est le cas de Venise ou d'Amsterdam. Que leur répondez-vous ?
Pour nous, ce n'est pas du tout quelque chose d'inéluctable. Pendant très longtemps, la relation entre une destination et une compagnie de croisière, c'était la relation entre la compagnie et la discussion avec le port. Très clairement, aujourd'hui, ça n'existe plus. Aujourd'hui, le développement de la croisière doit se faire en harmonie avec la destination. Donc ça nécessite énormément de communication avec les politiques, avec les infrastructures locales, avec les capacités d'accueil, puisque finalement toutes nos excursions sont exécutées par des locaux. Et donc c'est très important d'avoir ce dialogue à 360 degrés. Et ça, c'est la nouvelle façon de dessiner des destinations croisières.
Mais on peut imaginer certaines villes qui disent que 6 000 personnes qui arrivent d'un coup, c'est du surtourisme, c'est compliqué. D'autant plus qu'il n'y a pas que vous ?
Prenons par exemple Dubrovnik. C'est un très bon exemple, parce qu'en effet, eux se sentaient saturés. C'est une très jolie ville, fortifiée, saturée. Donc à un moment, ils ont fait une étude. Ils ont réuni toutes les compagnies de croisières. Et l'ont dit : "Écoutez, on a fait une étude, on adore les croisiéristes, vous êtes les bienvenus, mais nous, on a fait nos calculs, c'est deux bateaux par jour". Depuis lors, 2018, c'est résolu. Ce n'est plus un sujet.
Donc vous dites que ce n'est pas un sujet aujourd'hui, il suffit de se mettre d'accord ?
On est ouvert au dialogue et à la collaboration avec les destinations. Et quand on se met tous autour de la table, qu'on discute, il n'y a absolument aucune pression de notre part. Je veux dire, c'est un dialogue qui va donner les bons ratios.
Les retombées économiques font également partie de la discussion. Or les gens consomment surtout à bord, et pas quand ils descendent du bateau ?
Déjà, il y a plus de 70% des passagers qui descendent quand on est en escale. Et la CLIA, l'association des croisiéristes, vient de sortir une étude. Ils l'ont fait sur cinq grands ports dans le monde, dont Marseille. Et on a vu que les chiffres sont probants : plus de 70 euros sont consommés par tous les gens qui descendent à bord. Et c'est même au-delà quand ils doivent embarquer, qu'ils doivent passer une nuit : ça monte à 170 euros.
C'est donc un faux débat ?
C'est-à-dire qu'on manque d'informations.
Autre aspect environnemental, la pollution. Émissions de CO2, dioxyde de soufre, là aussi, qu'est-ce que vous mettez en place ? Qu'est-ce que vous répondez ?
D'abord, évidemment que c'est un sujet. Mais c'est un sujet pour tout le monde aujourd'hui. Arrêtez de pointer du doigt les uns et les autres. Ce qu'il faut analyser, ce sont les capacités des uns et des autres, et les efforts qui sont entrepris dans ce parcours de transition. Et sur ce parcours de transition, nous sommes hyperactifs. On s'est fixé une feuille de route pour arriver à zéro émission nette à l'horizon 2050. Avec un cap à 2030 de réduire déjà de 40% nos émissions.
"Fin 2023, nous sommes déjà arrivés à quasi 38% de réduction de CO2 par rapport à l'année de référence, qui est 2008."
Patrick Pourbaix, directeur général France de MSCà franceinfo
Vous réduisez concrètement, vous n'êtes pas en train de compter des arbres ailleurs, pour compenser ?
Non, exactement. Il faut être beaucoup plus actif que ça. On ne peut pas juste compenser.
Comment faites-vous ?
Eh bien, on agit sur une multitude de facteurs. Les bateaux ralentissent. Les plus récents sont bien plus efficaces que les plus anciens. L'énergie des moteurs maintenant, ou la chaleur même des moteurs, est récupérée pour chauffer les cabines, l'eau à bord pour les douches, etc. Il y a même parfois des sujets anodins. Pour la peinture blanche sur la coque d'un bateau, on utilise aujourd'hui des nouveaux polymères qui laissent mieux glisser l'eau. Rien que ça, c'est 10% d'économies en fuel. Et donc on a un impact moindre aussi.
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