Montagne : "On voit une progression de locations dans des petits massifs beaucoup moins chers que les Alpes", déclare la présidente de PAP

L'invitée éco de Franceinfo est Corinne Jolly, présidente de PAP, plateforme immobilière de vente et location de courte et longue durée. Elle vient commenter les locations d'hiver et nous donner ses perspectives pour 2025.

Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Corinne Jolly, présidente de PAP. (RADIO FRANCE)
Corinne Jolly, présidente de PAP. (RADIO FRANCE)

Avec la neige plus incertaine et les prix en hausse, la destination montagne reste-t-elle prisée des Français ? Comment se porte le secteur de l'immobilier, les ventes ont-elles repris dans l'ancien ? Quelle tendance selon les secteurs, et les prix ont-ils baissé, ou remontent-ils avec les taux d'emprunt qui diminuent ? Corinne Jolly, présidente de PAP (Particulier à particulier) vient nous donner son analyse.

Franceinfo : Faisons d'abord un point sur les tendances de réservation pour ces vacances d'hiver. Les stations de ski ont-elles toujours la côte ?

Corinne Jolly : La destination montagne reste extrêmement prisée pour les vacances de février. Mais il y a la question du pouvoir d'achat, car c'est une destination qui est chère. Surtout quand on additionne à l'hébergement, les forfaits de ski, la location de matériel, l'alimentation. Donc les Français doivent faire des arbitrages et on voit apparaître un certain nombre de stratégies pour payer moins cher. On observe une progression plus importante des petits massifs qui sont beaucoup moins chers que les Alpes. On les voit quasiment tous progresser alors que les Alpes sont tout juste stables. Et une autre tendance très intéressante, c'est le développement du hors saison. Là où pour les vacances de février, on a une très légère progression, on a en revanche pour janvier et pour mars des progressions de l'ordre de 20% sur les Alpes. Ce qui prouve que dès qu'on peut se le permettre, on change les dates pour payer beaucoup moins cher.

Dans la vallée de Chamonix-Mont-Blanc, une personne physique ne pourra plus louer qu'un seul logement à partir du 1ᵉʳ mai prochain. Pour limiter les locations touristiques de courte durée - qui entraîne évidemment une spéculation immobilière et la difficulté pour les habitants à se loger toute l'année. Est-ce une bonne chose selon vous ?

On touche à la concurrence entre l'immobilier et le tourisme, qui apparaît de manière de plus en plus nette puisque d'un côté, on a le tourisme qui se développe quand même beaucoup, notamment à la montagne et sur le littoral. Et de l'autre, on a quasiment partout en France une crise de l'immobilier. C'est vrai aujourd'hui que les zones touristiques sont extrêmement chères. Il faut savoir que Paris, dont on parle beaucoup, n'est plus la ville la plus chère de France. Ce sont des zones à la montagne qui sont plus chères, qui dépassent les 10 000 euros du mètre carré. Donc c'est un vrai souci pour se loger sur place.

La spéculation immobilière s'appuie notamment sur des biens qui ont des multipropriétaires. Est-ce que cette mesure peut être une façon de limiter cette spéculation immobilière dans la haute montagne très prisée ?

Je pense qu'il est important que les communes puissent reprendre la main et gérer leur parc. Chaque commune a des problématiques différentes et sait à quel point ses locaux ont du mal à se loger ou non. Et à quel point son économie dépend du tourisme. Parce qu'il ne faut pas oublier aussi que le tourisme, ce sont des sources de revenus. Donc chaque commune doit réussir à avoir des leviers pour réguler ça et pour décider quelle est la part qu'elle réserve à l'immobilier et quelle est la part qu'elle autorise en tourisme.

Plusieurs mesures ont été mises en place pour relancer le secteur de l'immobilier, notamment dans le projet de loi de finances adopté au Parlement avec un 49.3. Élargissement du prêt à taux zéro, le PTZ, à toute la France à partir du 1ᵉʳ avril, pour soutenir l'accession à la propriété. Et une exonération temporaire des droits de donation pour l'acquisition de sa résidence principale. Est-ce bon pour le secteur ?

L'extension du prêt à taux zéro, c'est forcément une très bonne chose, notamment pour relancer le secteur du neuf qui est très, très en peine. On ne construit clairement pas assez depuis deux ans et le secteur est en grande difficulté. La deuxième mesure, concernant les droits de succession, ça ne va pas concerner énormément de personnes, donc ce n'est pas là-dessus qu'on compte. Après, le marché de l'ancien de toute manière est en train de reprendre pour une autre raison beaucoup plus importante : les taux sont en train de baisser et la dynamique est enclenchée depuis plusieurs mois maintenant. On est en ce moment sur des taux autour de 3,4% en moyenne. Il y a un an, on était au-dessus de 4%. Donc ça, c'est sûr que ça donne de l'air.

Voyez-vous que le marché est en train de reprendre ?

Depuis septembre, donc la tendance se confirme, on voit une hausse du nombre d'acheteurs de l'ordre de 5%. On sait que ça suit les taux et que c'est la raison majeure. Donc il y a un autre phénomène forcément qui joue, c'est que les prix ayant baissé, la baisse des taux permet au pouvoir d'achat immobilier de se reconstituer un petit peu.

Et ça, vous le constatez vraiment ? Les prix ont commencé à baisser dans l'ancien dans toute la France ?

Les prix ont baissé au cours des deux dernières années. De manière plus marquée dans certaines régions. La région la plus touchée, c'est l'Ile-de-France. C'est celle qui a le plus pâti de la crise parce que c'est la plus chère, donc la plus impactée par les problèmes de financement. Et là, on voit que même en Ile-de-France, il y a une reprise. Les prix sont en train de se stabiliser, parce qu'on commence à avoir un peu plus de demandes. Ce n'est pas un boom de l'immobilier, mais on sent quand même que le plus dur est passé et que cette année 2025 sera certainement mieux que 2024.

Dans quelle mesure 2025 va-t-elle être meilleure que 2024 ? Les prix vont-ils continuer à baisser ? Est-ce que ce sera le cas partout ?

Je pense que le nombre de ventes va repartir en hausse. L'année dernière, on était à 780 000 ventes sur l'ancien, ce qui n'est pas catastrophique si on regarde sur une longue échelle. Le marché du neuf, c'est beaucoup plus grave. Sur l'ancien, on est loin des records de 2021-2022, mais on n’est pas non plus sur un marché à l'arrêt. Donc au niveau des volumes, je pense qu'on va reprendre au-dessus des 800 000 en 2025. Et concernant les prix, il est probable qu'on soit stables, ou qu'on ait une très légère hausse à +2%. Parce que comme la demande revient, comme il y a déjà des baisses qui se sont accumulées en Ile-de-France sur deux ans, on a quand même fait entre -8% et -10%. Donc c'est beaucoup pour les vendeurs.

Les prix ne vont donc plus baisser pour 2025 ?

Je suis obligée de mettre un bémol à cause de la situation gouvernementale qui fait qu'on navigue quand même un peu à vue. Il y a des annonces qui refroidissent un peu, comme la hausse des frais de notaire, qu'on n'attendait pas forcément, pour renflouer les caisses des collectivités territoriales. Une hausse de 0,5% des frais de notaire, c'est sûr que c'est malvenu dans le contexte actuel. A priori les primo accédants seront épargnés. C'est important parce que ce sont eux qui avaient déserté le marché, vu que ce sont eux qui empruntent le plus. Mais bon, si on continue sur la même tendance qu'actuellement, les prix devraient au moins être stables et peut-être repartir un petit peu en hausse.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.