"Les 'bullshit jobs' rendent les gens malheureux" pour l’anthropologue David Graeber
David Graeber était l'invité de Jean Leymarie, lundi soir. En 2013, il avait pointé l’explosion des "bullshit jobs", ces jobs "à la con", vides de sens, inutiles. Depuis, il a recueilli des centaines de témoignages. Il y consacre une enquête passionnante.
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Qu’est-ce qu’un bullshit job (en français, un boulot à la con) ?
Pour David Graeber, professeur à la London School of Economics, c’est un travail vain, qui n’apporte à rien à la société. Un travail si inutile que celui qui l’exerce se demande à quoi il sert.
En 2013, l’anthropologue a consacré un article retentissant à l’essor de ces jobs vides de sens. Il a ensuite recueilli des dizaines de témoignages qui convergent : selon lui, les bullshit jobs sont de plus en plus nombreux, dans le secteur privé comme dans le secteur public, et rendent ceux qui les occupent "très malheureux : les gens pensent que s’ils ne font rien d’utile, ils pourraient aussi bien ne pas exister".
Plus de managers que d'employés
Ces bullshit jobs sont très variés : "de petits managers, des gens du marketing, des gens qui octroient des prêts à distance, par exemple. Un nombre incroyable de gens dans l’administration aussi, qui pensent que s’ils n’existaient pas, ça ne ferait aucune différence". D’après David Graeber, des millions de gens dans le monde "ne font rien : ils travaillent une heure par jour, et le reste du temps, ils surfent sur internet, font des memes avec des chats, ils jouent à des jeux". Certains passent aussi de longues heures en réunion, en vain.
Dans les entreprises, selon lui, ces emplois prolifèrent au détriment des emplois réellement utiles : "Dans beaucoup d’entreprises, il y a maintenant plus de managers que d’employés". Et, à l’inverse, ceux qui exercent les tâches les plus nécessaires (infirmiers, agents de nettoyage, enseignants ou conducteurs de bus, par exemple) sont aussi les plus mal payés, et les plus mal considérés.
Payés pour donner de l'importance à leurs supérieurs
Comment le capitalisme peut-il encourager ces bullshit jobs ? Pour le chercheur, il y a une part de mystère : "C’est fascinant. On attendrait cela du système soviétique, pas du système capitaliste". Mais David Graeber a une théorie : le développement de ces emplois relèverait d’une "féodalité managériale" : "Les gens, explique-t-il, sont payés pour que ceux qui leur donnent des ordres aient l’air important". Il y aurait là "un amour de la hiérarchie pour la hiérarchie".
Pour David Graeber, cette évolution est liée à celle du capitalisme financier. Il en voit la fin : "Je crois que le système est en train de s’écrouler".
Bullshit Jobs paraît aux éditions Les Liens qui libèrent.
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