"Le commerce est une matière vivante", assure le président de la société qui exploite notamment le BHV à Paris
Frédéric Merlin, président du groupe SGM (Société des grands magasins) est l'invité éco de franceinfo, mardi 28 janvier 2025.
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Comment se portent les grands magasins ? Les commerces ont-ils retrouvé leurs clients, notamment étrangers, qui avaient déserté depuis le Covid-19 ? Le groupe de la Société des grands magasins (SGM) qui possède et exploite 11 centres commerciaux en France, dont sept magasins Galeries Lafayette et le BHV Paris, vient de publier ses résultats pour l'année 2024, et Frédéric Merlin, son président, vient les commenter.
franceinfo : Avez-vous l'impression que le pire est passé, que les Français et les étrangers reviennent durablement dans les centres commerciaux et les grands magasins ?
Frédéric Merlin : Je crois que le commerce physique a encore un très bel avenir devant lui. Si l’e-commerce a vraiment fragilisé et interrogé le modèle, en tout cas avant le Covid, ce n'est plus le cas.
"Je crois que le e-commerce est devenu aujourd'hui un véritable vecteur de développement du commerce physique."
Frédéric Merlin, président de la SGMà franceinfo
Le groupe que je développe a un prisme assez large sur le commerce puisqu'on exploite des centres commerciaux avec un positionnement qui est assez populaire. On est en centre-ville de villes moyennes d'au moins 100 000 habitants, comme Mulhouse, Roubaix, à Saint-Nazaire. Et dans ces villes-là, on est propriétaire de centres commerciaux qui sont en hypercentre-ville. On les a rachetés il y a maintenant plus de six ans. Ils étaient en déshérence complète, pratiquement à moitié vides. Et aujourd'hui, ils sont pleins à 95%.
C'est assez contre intuitif parce qu'on voit des commerces de textile, d'habillement et de chaussures qui ne se portent quand même pas très bien.
Le commerce évolue. Le commerce est une matière vivante. Aujourd'hui, il est certain que si l'appétence des Français est un peu moins sur le textile, elle est davantage sur le loisir, sur la restauration et sur le divertissement. Et donc, dans nos centres commerciaux, on ne vient plus que pour acheter des "fringues", on vient aussi pour aller au cinéma, pour faire un bowling... On a vraiment fait évoluer l'offre vers un commerce qui est davantage expérientiel. Et on est aujourd'hui très satisfait des résultats. On a des fréquentations dans nos centres commerciaux qui sont en progression entre 5% et 11%. Le positionnement, dont je vous parlais, est plutôt populaire et porté par les enjeux inflationnistes du moment. Et il y a tous les jours de nouveaux clients qui veulent aller fréquenter les magasins Action, des magasins Primark ou des magasins Leclerc.
Pour vos magasins Galeries Lafayette, à Dijon, au Mans, à Angers, avec un résultat avant impôts de 15,5 millions d'euros, est-ce que vous avez revu aussi le concept ?
On a repris sept grands magasins affiliés Galeries Lafayette il y a trois ans. On est propriétaire des murs et des fonds de commerce. Là aussi, on a fait un très gros travail de retournement. D'abord sur la gestion de fonds. On a réduit drastiquement les frais de fonctionnement de cette entreprise. On a réduit aussi la masse salariale, les frais généraux, et on a adapté l'offre.
"On n'a pas eu peur d'aller fermer jusqu'à 200 marques qui n'étaient pas profitables dans certains magasins Lafayette."
Frédéric Merlin, président de la SGMà franceinfo
Et à côté de ça, en libérant des espaces et des mètres carrés vacants, on a fait venir de nouvelles enseignes qui, elles, sont vectrices d'un flux nouveau. Je pense à des Starbucks - au Mans, on a le seul Starbucks de la ville - ça génère un flux que nous transformons en tant que commerçant, et ça crée de la valeur immobilière, ce qui est aussi l'un des piliers forts de notre groupe.
Ce qui est vrai pour les centres commerciaux est-il aussi vrai pour des magasins plus bourgeois de centre-ville ?
En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il faut adapter son offre. On ne fait pas le même commerce à Roubaix qu'on le fait à Dijon et on ne fait pas le même commerce à Dijon qu'on le fait au cœur de Paris, au BHV par exemple.
La fréquentation s'est maintenue pour les Galeries Lafayette à huit millions de clients, mais le panier est en hausse, c’est-à-dire que les gens sont les mêmes, mais qu'ils consomment plus ?
Je ne sais pas s'ils consomment plus. Il faut reconnaître qu'il y a un enjeu d'inflation et que le prix moyen de nos articles a aussi augmenté. Le panier moyen a augmenté parce que les prix ont augmenté aussi.
Le BHV Paris, mythique Bazar de l'Hotel de Ville parisien, existe depuis près de 170 ans. Vous avez racheté le BHV aux Galeries, il y a deux ans. Le bâtiment magasin Homme va disparaître, l'Enfant aussi, qu'est-ce qu'il se passe ?
D'un point de vue immobilier, le magasin Homme va en fait être rapatrié dans le bâtiment principal. On le fait parce qu'on a un enjeu de densification de l'offre. On veut que nos parcours clients soient plus agréables pour nos clients. Le magasin de l'homme n'avait pas été rénové depuis plus de 15 ans et donc on pense qu'il est plutôt intelligent de l'intégrer dans le bâtiment principal.
Et pour ce faire, il faut libérer des espaces qui ne sont pas profitables, comme dans nos sept grands magasins Galeries Lafayette. Certes, le rayon Enfant était peut-être apprécié, mais pas suffisamment puisqu'il n'était absolument plus profitable.
Est-ce parce qu'il était trop cher ?
Non, nos clients l'avaient déserté. Il y a une nouvelle concurrence aujourd'hui, notamment avec Zara, sur la mode enfant, et l’e-commerce. Et c'est très challengeant de vendre de la mode enfantine. En tout cas, on a fait le choix, parce que c'est ce que nos clients réclamaient, d'abandonner ce marché-là au profit d'un autre.
Vous deviez racheter les murs pour 500 millions d'euros. Mais vous n'avez toujours pas payé. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
C'est une opération complexe, en plusieurs étapes. On a d'abord repris la partie exploitation et on a investi 58 millions d'euros au capital. Cela démontre bien notre capacité, notre volonté de croire à un commerce résilient. Et de vouloir faire du BHV d'aujourd'hui le BHV de demain. On est en phase d'acquisition en plusieurs étapes, et nous avons déjà réalisé plusieurs étapes de la partie immobilière. On conclura l'opération au 30 juin, et c'est un accord que nous avons passé avec les Galeries Lafayette, avec qui nous travaillons en parfait partenariat.
Ça ne veut donc pas dire que vous avez eu les yeux plus gros que le ventre ?
L'avenir nous le dira. En tout cas, le BHV perdait 15 millions d'euros l'année dernière, le BHV devait fermer. Et aujourd'hui, on réalise 10 millions d'euros d'Ebitda (bénéfice d'une société avant déduction des intérêts, impôts, taxes etc) avant frais de siège. C'est juste colossal.
Il y a quelques mois, des enseignes n'étaient plus livrées faute de payer, des espaces entiers étaient fermés. Cette période-là est derrière vous aujourd'hui ?
Le BHV a toujours payé ses factures. Il y a eu d'immenses rumeurs. On a été très challengés. Je crois que d'ailleurs tout ça a été un peu orchestré par des organisations syndicales un petit peu extrémistes, qui sont parfois inaptes au changement. Le BHV, c'est une entreprise qui a 168 ans d'âge. La transformer, ce n'est pas évident. Les fournisseurs ont toujours été payés.
Les délais de paiement ont été extrêmement importants.
Mais c'est important de le dire. Parce que dire que nous ne payons pas nos fournisseurs, ça ne veut pas dire que les délais de paiement ne respectent pas la loi. La loi prévoit 45 jours et fin de mois, alors même que les fournisseurs étaient historiquement payés à 10 jours au BHV. Et ce que j'affirme et ce que j'assume, c'est que pour transformer le BHV, pour pouvoir faire du BHV une entreprise rentable, il faut absolument qu'on puisse se battre avec des armes égales. Et quand nos concurrents paient à 45 jours, nous paierons à 45 jours.
Et aujourd'hui, en ayant réussi le pari de la profitabilité du BHV, je considère qu'on a quand même acquis une certaine crédibilité vis-à-vis de nos collaborateurs, mais aussi vis-à-vis de nos fournisseurs. En ayant investi 58 millions d'euros au capital du BHV, je crois qu'on s'est montré suffisamment crédible. Aujourd'hui, on s'est donné les moyens de réussir le pari et je pense que la route est longue, la route est belle, mais on n'arrivera à mon sens à faire du BHV le magasin préféré des Parisiens.
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