Avec le sociologue Antonio Casilli, une enquête sur "les galériens du clic"
L’économie numérique met en avant la puissance des algorithmes et les progrès de l’intelligence artificielle. Mais pour faire tourner les plateformes, des millions d’hommes et de femmes réalisent chaque jour des microtâches, peu connues et peu payées. Le sociologue Antonio Casilli a enquêté sur ces "tâcherons" modernes.
Qui est derrière les plateformes que nous utilisons tous les jours, les Google, Amazon, Facebook, Twitter ? Des algorithmes, bien sûr, de l’intelligence artificielle, mais aussi des hommes et des femmes. Le sociologue Antonio Casilli a enquêté sur ceux qu’il appelle les "travailleurs du clic", et même les "galériens du clic". Il publie En attendant les robots, aux éditions du Seuil.
La face inconnue de l’économie "digitale"
Sans hommes et femmes, pas de machines... et pas d’économie "digitale". C’est la thèse d’Antonio Casilli. "Pour calibrer les intelligences artificielles, pour qu’elles réalisent les tâches qu’elles promettent, explique le sociologue, chaque jour des personnes doivent traiter des centaines et même des milliers de petites tâches : reconnaître des chansons pour organiser des playlists, retranscrire des tickets de caisse, interpréter ce que d’autres personnes ont dit à des enceintes connectées". Ces tâches fragmentées, répétitives, constituent la face inconnue de l’économie "digitale".
Des tâches payées parfois moins d’un centime
Qui sont ces travailleuses et ces travailleurs du clic ? "lls sont partout dans le monde. Souvent depuis chez eux, ils et elles se connectent à des plateformes pour accomplir des microtâches et sont payés très peu", parfois un centime ou moins par tâche, si ces personnes sont installées dans des pays à faibles revenus. Dans certains pays, les travailleurs forment même des "fermes à clic" ou des "usines à clic". "Dans les pays du nord, ajoute le sociologue, il s’agit souvent d’un complément du revenu. Mais dans un pays comme Madagascar, où le salaire moyen est de 40 euros par mois, ou un peu plus, la possibilité de gagner 30 ou 40 euros grâce à des microtâches constitue un deuxième salaire". Antonio Casilli estime qu’au moins cent millions de personnes, dans le monde, sont aujourd’hui des "travailleurs du clic".
Une polarisation du travail
La technologie progresse. Les machines vont-elles remplacer un jour ces femmes et ces hommes ? "Le remplacement n’aura pas lieu, estime Antonio Casilli : vous aurez toujours besoin de personnes qui vérifient ce que les machines ont fait. Il y aura toujours ce travail humble, invisible". Pour le sociologue, il y a bien "une polarisation du travail produit par ces solutions technologiques intelligentes : d’un côté des data scientists, des ingénieurs, des ’sublimes’ du numérique ; de l’autre côté, des travailleurs du digital (…) Digital renvoie vraiment à un travail du doigt, du clic. Un travail pour l’instant nécessaire". Pour le chercheur, il est urgent de traiter le "besoin de reconnaissance de ces travailleurs et d’examiner les pistes qui nous permettront de sortir de cette situation".
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