Interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans : une fausse bonne idée ?

La commission d’enquête parlementaire a rendu la semaine dernière son rapport sur les effets psychologiques de TikTok sur les plus jeunes. Il contient plusieurs propositions, notamment interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Des solutions que certains spécialistes du sujet trouvent trop extrêmes.

Article rédigé par Julie Viallon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les mineurs sont très nombreux à utiliser TikTok. (VCG / VISUAL CHINA GROUP / GETTY IMAGES)
Les mineurs sont très nombreux à utiliser TikTok. (VCG / VISUAL CHINA GROUP / GETTY IMAGES)

Le rapport met en lumière plusieurs points : les mineurs sont très nombreux à utiliser TikTok, y compris les moins de 13 ans qui, normalement, n’ont pas le droit de s’inscrire. L’algorithme de l’application les expose à des contenus dangereux, sensibles, violents. Des contenus pas assez modérés par la plateforme.

Depuis le Digital Services Act, mis en place en février 2024, TikTok a l’obligation de diriger les utilisateurs vers de l’aide lorsqu’ils tapent certains mots-clefs. Nous avons réalisé le test avec "dépression", "suicide" et "mutilation" et, à chaque fois, le réseau social propose des numéros à contacter pour obtenir du soutien.

Visiblement, d'après les résultats de l'enquête, cela ne suffit pas. Plusieurs mesures ont donc été proposées : l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans, un couvre-feu numérique entre 22h et 8h pour les 15-18 ans et la mise en place d’un système de vérification de l'âge au moment de l’inscription sur TikTok.

Des propositions inadaptées à leur public ?

Plusieurs professionnels du numérique et des médias sociaux considèrent ces mesures comme beaucoup trop drastiques. Anne Cordier, par exemple, professeure d’information et de communication à l’Université de Lorraine et responsable de formations liées à l’éducation aux médias et au numérique, considère que l’on se trompe de combat.

Même constat pour Cécile Dolbeau Bardin, maître de conférences à l'Université de Caen. Elle soutient que ces propositions sont tout simplement inadaptées à leur public. Pour elle, l’interdiction n’est pas la solution pour des jeunes qui sont nés et ont grandi dans cet environnement médiatique : "Les médias sociaux sont très importants pour la sociabilité et le divertissement des plus jeunes et cette interdiction revient à les couper de leur vie sociale."

Les jeunes, poursuit-elle, sont une population stigmatisée et que l’on va punir : "Leurs parents sont culpabilisés au lieu de forcer les plateformes à prendre leurs responsabilités, à davantage modérer leurs contenus et à mettre un terme au captage intensif des adolescents."

Une éducation aux réseaux sociaux

Les dernières études sur le sujet montrent l’importance de ne pas donner des smartphones trop tôt aux enfants, pour les protéger de ses contenus.

La solution, d’après les universitaires : mettre réellement en place une éducation aux réseaux sociaux, dès la maternelle. Comment repérer la désinformation ? À quels profils faire confiance sur internet ? Bref, développer l’esprit critique des enfants et des adolescents dans une société de plus en plus polarisée.

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