Quand les morts célèbres hantent TikTok avec Sora 2

Deepfakes de célébrités décédées, "résurrections" numériques et polémiques familiales : le lancement de Sora 2, le nouvel outil vidéo d’OpenAI, relance le débat sur les limites éthiques de l’intelligence artificielle.

Article rédigé par Constance Vilanova
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Michael Jackson avec des nuggets et Robin Williams en randonnée, des images générées par Sora 2. (CAPTURES D'ECRAN TIKTOK)
Michael Jackson avec des nuggets et Robin Williams en randonnée, des images générées par Sora 2. (CAPTURES D'ECRAN TIKTOK)

Robin Williams en randonnée, Freddie Mercury filmant un vlog à New York, Michael Jackson dégustant des nuggets… Depuis le lancement de Sora 2, l’outil vidéo d’OpenAI, la maison mère de ChatGPT, ces images inondent TikTok et X. Sora 2 permet de générer des vidéos hyperréalistes à partir d’un simple texte, en combinant animation et imitation vocale. Une prouesse technologique, mais aussi un vertige : celui de voir les morts revivre sans leur consentement.

Les "deepfakes" de personnalités disparues existent depuis des années, mais l’outil d’OpenAI, encore en version bêta, a marqué un tournant par sa qualité et sa viralité. L’entreprise a confirmé auprès du média américain Axios que la création d’images de personnalités décédées n’était pas interdite, contrairement à celles de figures publiques vivantes.

La colère des familles

Parmi les voix qui s’élèvent, celle de Zelda Williams, la fille de l’acteur Robin Williams. Sur Instagram, elle a imploré qu'on arrête de lui envoyer des vidéos de son père mort.

“Arrêtez de m’envoyer les vidéos de papa en IA. C’est débile, c’est une perte de temps et d’énergie. Ce n’est pas ce qu’il aurait voulu.”

Zelda Williams

Un message soutenu par Bernice King, la fille de Martin Luther King, elle aussi excédée par ces "résurrections numériques". Derrière ces images anodines, il y a des familles, des héritages, des voix qu’on fait parler sans leur autorisation. Et une gêne grandissante : celle de voir la frontière entre hommage et exploitation devenir floue.

Un flou juridique assumé

Aux États-Unis, aucune loi fédérale n’interdit d’utiliser l’image d’un mort. Certaines juridictions, comme la Californie, reconnaissent un "droit posthume à l’image", mais la protection varie selon les États. OpenAI, de son côté, se défausse sur la responsabilité des utilisateurs. Dans sa déclaration à Axios, l’entreprise précise : "Les représentants des défunts récemment décédés peuvent demander à ce que leur image ne soit pas utilisée dans Sora".

Mais que signifie "récemment" ? Robin Williams est mort en 2014, Martin Luther King en 1968. Cette zone grise laisse le champ libre à des usages discutables, voire à une économie du deuil où chaque image pourrait être monnayée.

L’économie de la réincarnation numérique

OpenAI laisse entrevoir une possibilité future : monétiser l’image des célébrités disparues, avec une part reversée à la plateforme. Une forme d’immortalité commerciale où les artistes continueraient à "travailler" après leur mort.

Pour les spécialistes du numérique, cette tendance n’est que le prolongement logique de la culture du contenu infini. L’éternité n’a jamais été aussi accessible, ni aussi troublante.

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