Deux streamers marchent de Montpellier à Paris et déclenchent la ferveur… Et le chaos

Après le ZEvent, les streamers Byilhann et Nico ont tenu l’un de leurs défis promis aux donateurs : parcourir à pied les 750 km entre Montpellier et Paris. Leur marche, suivie en direct par des dizaines de milliers de spectateurs, a suscité autant d’enthousiasme que de débordements. Un miroir des liens troublants entre créateurs de contenus et leurs communautés.

Article rédigé par Constance Vilanova
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
ByIlhan et Nico accueillis par des fumigènes à la fin de leur périple (capture d'écran). (Chaîne Twitch : ByIlhan)
ByIlhan et Nico accueillis par des fumigènes à la fin de leur périple (capture d'écran). (Chaîne Twitch : ByIlhan)

Le ZEvent, grand rendez-vous caritatif du streaming français, a battu des records début septembre. Pendant 48 heures, des dizaines de créateurs se sont relayés sur Twitch pour mobiliser les internautes autour de promesses de dons. Chaque streamer fixe alors des défis, appelés "donation goals", à réaliser si certains montants sont atteints. Byilhann, suivi par 1,5 million de personnes sur Twitch et Instagram, et son acolyte Nico, fort de 600 000 abonnés, avaient promis un pari fou : rejoindre Paris à pied depuis Montpellier, en dormant chez l’habitant.

Le 8 septembre, ils ont enfilé leur sac à dos et démarré leur périple. Objectif : 750 kilomètres, diffusés en direct jour et nuit sur Twitch. Un concept "in real life" qui a rassemblé jusqu’à 60 000 spectateurs connectés simultanément.

Fans survoltés et incidents en série

Très vite, la marche est devenue un événement bien au-delà du streaming. À chaque halte, des dizaines de fans se pressaient pour voir les deux jeunes hommes, prendre une photo, ou simplement dire qu’ils étaient "là en vrai". Dans certaines villes, la foule a été si compacte que la police a dû intervenir pour contenir les débordements. Pour tenter de les rattraper sur la route, deux admirateurs en voiture ont même fini leur course dans un fossé.

Plus inquiétant, des agressions ont été filmées en direct. Jets d’œufs, projectiles lancés depuis une voiture, insultes : la notoriété hors écran des streamers a suscité autant de curiosité que d’hostilité.

La proximité numérique devenue exigence réelle

Byilhan et Nico ne sont pas les premiers confrontés à cette dérive. En 2023, le youtubeur Mastu a dû suspendre son activité, harcelé après la diffusion de son adresse personnelle.

Squeezie, mastodonte de YouTube en France, a raconté devoir vivre "volets fermés", épuisé par la pression de millions d’abonnés qui se comportent parfois comme des proches intrusifs. D’autres, comme EnjoyPhoenix, ont dénoncé le harcèlement obsessionnel de certains fans, allant jusqu’à craindre pour leur sécurité.

La marche de Byilhan et Nico dit beaucoup de la célébrité à l’ère numérique. En quelques années, les créateurs de contenu sont devenus des figures centrales pour une génération, capables de mobiliser des foules par un simple live. Mais cette proximité, construite sur les écrans, peut s’avérer trompeuse et dangereuse lorsqu’elle se transpose dans la vie réelle.

Les mouvements de foule autour des deux streamers n’étaient pas prémédités, encore moins "mérités". Ils traduisent pourtant un bouleversement durable : l’effacement de la frontière entre sphère privée et exposition publique, où l’admiration des fans se confond parfois avec une exigence d’accès permanent.

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