Édito
Réchauffement climatique : nous ne regardons plus ailleurs, mais notre maison brûle toujours

Dix ans après l’adoption historique de l’Accord de Paris, une étude scientifique confirme que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C est désormais hors de portée. Cet échec est attribué en premier lieu aux dirigeants politiques mondiaux, mais les opinions publiques ont aussi leur part de responsabilité.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Photo de groupe photo desdirigeants participants au 19e Sommet du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 19 novembre 2024. (LI TAO / XINHUA)
Photo de groupe photo desdirigeants participants au 19e Sommet du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 19 novembre 2024. (LI TAO / XINHUA)

Souvenez-vous, il y a presque dix ans, le 12 décembre 2015 précisément, des quelques mots de Laurent Fabius à la tribune : "Je regarde la salle, je n'entends pas d'objection". Le président de la Cop 21 frappe la table de son petit marteau en forme de feuille verte : "L'accord de Paris pour le climat est adopté !" Les représentants de 195 pays se lèvent comme un seul homme, se congratulent, applaudissent à tout rompre. Le moment est historique. Un texte de 22 pages est adopté dans la liesse. Il vise à "contenir bien en dessous de 2 degrés" le réchauffement de la planète et à "poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5 degré" à l’horizon 2050 par rapport à l'ère préindustrielle. Dix ans après, le constat est sans appel : c’est raté !
 
Une étude mondiale conduite par une soixantaine de scientifiques, publiée jeudi 19 juin, est formelle. Le dépassement du seuil de 1,5 degré prévu est désormais "inéluctable". Une dizaine d'indicateurs clés sont dans le rouge, les émissions de CO2 battent de nouveaux records. Un constat désespérant et pourtant, comme le dit la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, "on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas". À l’ouverture du sommet de Johannesburg en 2002, Jacques Chirac lançait : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs… ". Ce n’est plus le cas, aujourd’hui, nous savons, nous ne regardons plus ailleurs, mais notre maison brûle toujours.

Des responsabilités partagées


"Gouverner, c’est prévoir", disait Pierre-Mendès France. En l’occurrence, les prévisions sont connues. L’incapacité à freiner le réchauffement climatique est donc d’abord un échec éminemment politique. La faute, au court-termisme auquel continuent de céder gouvernants et décideurs à l’échelle mondiale bien sûr, une autre faillite du multilatéralisme, mais les opinions publiques ont aussi leur part de responsabilité. Si les politiques trouvent toujours un bon prétexte pour limiter la portée d’une mesure écologique ou pour revenir en arrière, par exemple pour enterrer les ZFE, les zones à faible émission – ce qu’on fait la droite et l’extrême droite cette semaine à l’Assemblée nationale - c’est pour satisfaire leurs électeurs.

Pour toute une frange de la population, il est compréhensible que les préoccupations sociales soient prioritaires. Ce qui l’est moins, c’est qu’en Europe et aux États-Unis, les sujets environnementaux ont totalement disparu d’un débat public submergé par les questions sécuritaires et identitaires. Pour les politiques aussi, le court terme, c’est-à-dire les préoccupations électorales prennent le pas sur l’action de long terme. Bref, il n’y a pas que la fin du mois qui passe avant la fin du monde ; en France, pour ceux qui sont rongés par l’obsession présidentielle, il y a aussi 2027…

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