Édito
Procès Sarkozy-Kadhafi : quelle que soit l’issue, l’affaire va laisser des traces sans doute historiques !

Le parquet financier a requis jeudi sept ans de prison à l'encontre de l'ex-chef de l'État Nicolas Sarkozy lors du procès des soupçons de financement libyen pour sa campagne de 2007.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive au tribunal dans le cadre de son procès pour financement illégal de campagne depuis la Libye pour sa candidature présidentielle victorieuse de 2007, à Paris, le 25 mars 2025. (HUGO MATHY / AFP)
L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive au tribunal dans le cadre de son procès pour financement illégal de campagne depuis la Libye pour sa candidature présidentielle victorieuse de 2007, à Paris, le 25 mars 2025. (HUGO MATHY / AFP)

Au procès du supposé financement libyen de sa campagne de 2007, le parquet national financier a requis jeudi 28 mars une peine très lourde à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Sept ans de prison, un Président ne devrait pas finir comme ça. Sept ans de prison donc, mais aussi 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, des réquisitions d’une ampleur inédite à l’encontre d’un chef de l’État dans toute l’histoire de la République. Le chemin de croix judiciaire de Nicolas Sarkozy n’en finit pas d’enchaîner les stations toutes plus douloureuses les unes que les autres. Premier Président condamné pour "corruption active", dans l’affaire dite "des écoutes" ; il est aussi le premier à devoir porter un bracelet électronique dans le cadre de l’aménagement de sa peine. Et cette condamnation étant définitive, il est le premier chef de l’État menacé de devoir rendre sa légion d’honneur depuis… le maréchal Pétain. 

Dans ce dossier libyen, il n’est pas encore condamné. Nicolas Sarkozy demeure présumé innocent. Tout au long du procès, il a récusé en bloc toutes les charges. Jeudi encore, il a fustigé un parquet qui s’est, selon lui, livré à de pures "constructions intellectuelles". Mais au-delà de la menace de la prison, qui se rapproche, le contenu même du réquisitoire a quelque chose d’infamant pour un ancien Président de la République. On se souvient que quand David Pujadas lui avait demandé à la télévision en 2016 s’il avait perçu de l’argent du colonel Kadhafi, Nicolas Sarkozy, outré, avait lancé : "Quelle indignité !".

"Décisionnaire et commanditaire", selon les magistrats du PNF

C’est sur ce même registre de la dignité, celle exigée par la fonction de Président, que se sont placés les magistrats du PNF. Ils ont dépeint Nicolas Sarkozy comme le "véritable décisionnaire et commanditaire d’un pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent", un "pacte de corruption faustien" conclu avec "l’un des dictateurs les plus infréquentables" de la planète. De tels mots pourraient viser un chef mafieux, dont les complices, trois ex-ministres, Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth sont eux aussi menacés de prison. La peine requise, sept ans de prison, pourrait évoquer la chute d’un potentat d’une République bananière. Et pourtant, nous sommes en France, une démocratie, imparfaite, mais jusqu’ici solide.

Quelle que soit l’issue, l’affaire va laisser des traces sans doute historiques ! Depuis le montage de l’affaire Clearstream dont il fut victime en 2005, un duel de 20 ans entre Nicolas Sarkozy et les magistrats s’achève par un quitte ou double ! Soit le premier est relaxé, et l’existence même du PNF serait menacée. Au-delà, dans le match qui les oppose aux politiques, les juges seraient fortement affaiblis. Soit l’ancien Président écope d’une lourde peine de prison, et la déflagration rejaillirait sur la crédibilité du monde politique. Dans les deux cas, ce sont des piliers de la République, les juges ou les élus, qui trembleraient un peu plus sur ses bases.

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