Édito
La concertation demeure la seule option de Sébastien Lecornu

Sébastien Lecornu a reconnu être "le Premier ministre le plus faible de la Vᵉ République", cumulant peu de soutiens, une faible popularité et des marges de manœuvre réduites. Sans troupes pour passer en force, il n’a d’autre choix que de miser sur le dialogue — y compris face à Emmanuel Macron.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu à la fin de la cérémonie de passation de pouvoir, à l'hôtel Matignon, à Paris, le 10 septembre 2025. (LUDOVIC MARIN / POOL)
Le nouveau Premier ministre français et ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu à la fin de la cérémonie de passation de pouvoir, à l'hôtel Matignon, à Paris, le 10 septembre 2025. (LUDOVIC MARIN / POOL)

Sébastien Lecornu fait preuve d'humilité, ce qui n'est pas la qualité la plus répandue parmi les responsables politiques. D’ordinaire, ils jouent plutôt les fiers-à-bras. La Vᵉ République verse dans le messianisme et chaque nouveau président promet de "changer la vie", de supprimer "la fracture sociale" ou carrément d’engendrer un "nouveau monde". En écho, le disciple qu’il nomme Premier ministre jure à son tour de construire une "nouvelle société" ou de "bâtir une France moderne". Rien de tout ça avec Sébastien Lecornu, qui a fait mercredi 24 septembre un drôle d’aveu : "Je suis le Premier ministre le plus faible de la Vᵉ République", a-t-il dit aux syndicats qu’il recevait… et qui ont sauté sur l’occasion pour annoncer une nouvelle mobilisation jeudi 2 octobre. 

Cette confession est-elle le fruit d'une rentrée difficile ? D'un petit coup de déprime au bout d’à peine deux semaines de boulot ? Non, en fait, s’il le dit, c’est que c’est vrai. Certains de ses prédécesseurs ont été maltraités par leurs supérieurs — Chirac humilié par Giscard, Rocard congédié par Mitterrand, Fillon traité de "collaborateur" par Sarkozy — mais, des 28 locataires qui se sont succédé à Matignon depuis 66 ans, Sébastien Lecornu est celui qui cumule la plus petite base de soutiens parlementaires (à peine 210 députés, loin de la majorité absolue de 289), la plus faible cote de popularité et la plus étroite des marges de manœuvre. C’est le Premier ministre de la dernière chance. Après lui, le déluge — ou plutôt le chaos, la dissolution de l’Assemblée ou la démission du président.

S'affranchir du président de la République

Michel Barnier annonçait qu’il ne ferait "pas de miracle tant le chemin est escarpé". François Bayrou reconnaissait avoir peu d’espoir de réussir à gravir "un Himalaya de difficultés". Les deux ont tenu parole : ils ont échoué. Sébastien Lecornu promet de "ne pas passer en force", et ça tombe bien : des forces, il n’en a pas. Il n’a donc d’autre choix que de dialoguer et d’appeler ses interlocuteurs — partenaires sociaux et partis politiques — à faire preuve de responsabilité.

Cette technique peut fonctionner si Sébastien Lecornu s’affranchit d’Emmanuel Macron. Pour les oppositions comme pour l’opinion, le chef de l’État est son boulet. C’est lui qui fâche la gauche et mobilise les manifestants qui descendent dans la rue. Pour faire passer un budget et échapper à la censure, le Premier ministre doit donc imposer une cohabitation à celui qui l’a nommé. Lui faire avaler la "rupture sur le fond" qu’il évoquait lors de sa nomination. Bref, inculquer à Emmanuel Macron, lui aussi, une vraie leçon d’humilité. Pas gagné.

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