Édito
Emmanuel Macron-Bruno Retailleau : qui craquera le premier ?

Le rendez-vous prévu jeudi entre le ministre de l'Intérieur et le président pour parler de l'Algérie, un des sujets de tensions entre LR et la macronie, a été reporté. Il faut dire que cet entretien avait été prévu avant l'interview au vitriol donnée par Bruno Retailleau à "Valeurs actuelles".

Article rédigé par Aurélie Herbemont
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le ministre LR de l'Intérieur, Bruno Retailleau, (à gauche) et le président de la République, Emmanuel Macron, le 5 novembre 2024. (STEPHANIE LECOCQ / POOL)
Le ministre LR de l'Intérieur, Bruno Retailleau, (à gauche) et le président de la République, Emmanuel Macron, le 5 novembre 2024. (STEPHANIE LECOCQ / POOL)

Bruno Retailleau a l'art de préparer le terrain avant un rendez-vous prévu de longue date avec son supérieur. Il accuse le macronisme "d'alimenter l'impuissance", et d'appartenir déjà quasiment au passé. Depuis cette interview, "les chiens de garde" d'Emmanuel Macron "sont sortis", note un conseiller LR. Toute la macronie est évidemment tombée à bras raccourcis sur le ministre de l'Intérieur. Mais Bruno Retailleau ne s'en expliquera donc pas avec le président jeudi 24 juillet. En revanche, il a un rendez-vous avec le Premier ministre à 20 heures.

Le président jusqu'ici se limite à des messages sibyllins. Mercredi, au conseil des ministres, le chef de l'État n'a pas recadré frontalement Bruno Retailleau mais il a, l'air de rien, appelé à la solidarité gouvernementale pour préparer le budget. Il a aussi interpellé Bruno Retailleau sur les violences urbaines des derniers jours, glissé au passage que les effectifs de police avaient baissé sous Nicolas Sarkozy. Sur ce point, le ministre est d'accord, donc Bruno Retailleau ne s'est à aucun moment senti visé, quand des macronistes ont vu des signes subtils du mécontentement présidentiel et une incitation à se concentrer sur son job : assurer l'ordre public.

"Mutuellement coincés ensemble"

La cohérence de cette coalition reste difficilement perceptible. On n'est pas sur un mariage d'amour, mais de raison. Les macronistes ont fait venir les LR au gouvernement pour se maintenir au pouvoir, alors que la gauche était arrivée en tête des législatives et les LR étaient ravis de retrouver le chemin des ministères après des années de disette, tout en assumant leurs différences avec le macronisme. La porte-parole du gouvernement parle de polyphonie, d'un gouvernement d'assemblage. À les observer, on a plutôt l'impression d'être face à une colocation un peu dysfonctionnelle, où personne n'a les mêmes goûts, pas les mêmes amis, et qu'une partie de la coloc met la musique très fort tard le soir quand les autres doivent se lever tôt le matin. Mais une ministre résume ainsi la situation : "Avec LR, on est mutuellement coincés ensemble, on a besoin d'eux, ils ont besoin de nous".

La question est de savoir jusqu'à quand cette situation peut tenir. Tout dépendra de qui craque le premier. Emmanuel Macron peut-il supporter longtemps un ministre aussi bruyant ? "Je ne pense pas. Il va falloir qu'il mette les points sur les 'i'", s'agace un soutien du président. Sauf que la situation politique déjà très compliquée ne plaide pas pour une crise avec LR. Mais combien de temps Bruno Retailleau va-t-il continuer à tirer sur la corde avant de démissionner, comme il menace parfois de le faire ? "S'il sort maintenant, merci au revoir, dans un an tout le monde l'aura oublié", persifle une macroniste. Bref ça peut durer jusqu'au moment où un des deux camps aura plus intérêt à la séparation qu'à la colocation.

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