Édito
Budget 2026 : comment faire passer un effort supplémentaire de 40 milliards d'euros sans majorité ?

Alors que le dernier budget avait causé la chute de son prédécesseur, François Bayrou devra donner des gages à la gauche, à la droite et sans oublier le bloc central, s'il veut éviter la censure, ou risquer de réitérer le scénario d'une dissolution.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
François Bayrou, le Premier ministre, à l'Élysée, le 31 mars 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)
François Bayrou, le Premier ministre, à l'Élysée, le 31 mars 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La France va devoir réaliser "un effort supplémentaire de 40 milliards d'euros" en 2026, un engagement "très considérable", a annoncé dimanche 13 avril le ministre de l'Économie Éric Lombard. Et c’est un sacré casse-tête ! On l’a vu avec le budget précédent, celui qui est en vigueur actuellement. François Bayrou n’a réussi à le faire adopter que début février, un retard inédit. Son prédécesseur Michel Barnier s’y était cassé les dents et c’est l’autre texte budgétaire, le financement de la Sécurité sociale, qui avait causé la chute de son gouvernement, justement faute de majorité à l’Assemblée.

Pour relever cette mission (quasi) impossible, François Bayrou veut donc s’appuyer sur l’opinion. Il veut faire œuvre de pédagogie pour les alerter sur la gravité de la situation financière et mettre en œuvre une méthode inédite, une sorte de co-construction du budget avec les Français. D’où la sortie coordonnée dimanche de plusieurs ministres dont celui de l’Économie et des Finances, Éric Lombard. Et surtout l’organisation mardi à Matignon d'un "comité d’alerte" sur les finances publiques, rassemblant des représentants de l’État, des collectivités locales, des organismes de santé, etc.

Un recours au 49.3 inévitable

La méthode souffre de deux handicaps. Le premier est que ce discours alarmiste sur la dette et les déficits, François Bayrou le tient depuis sa première campagne présidentielle, il y a près d’un quart de siècle. Et il n’a provoqué de prise de conscience collective ni chez les gouvernants, ni chez les électeurs. Et le deuxième handicap est que le Premier ministre bat aujourd’hui des records d’impopularité. Difficile de s’appuyer sur l’opinion quand 67% des Français portent un jugement "défavorable" sur votre action, selon le baromètre Ipsos publié par la Tribune Dimanche, le 13 avril. D’où l’urgence de les rassurer en matière de fiscalité.

Le gouvernement doit donner des gages à la gauche pour éviter la censure. D'où le maintien de la contribution sur les plus hauts revenus. Un "signal de solidarité", une "question d’équité", dit Éric Lombard, ce qui plaira au groupe PS dont dépend la survie du gouvernement en cas de motion de censure, même si la gauche continue de réclamer le rétablissement de l’ISF que le gouvernement refuse. En fait, pour faire avaler le budget 2026, François Bayrou va de nouveau devoir lâcher des concessions tout au long de la discussion, une cuillérée pour la gauche, une cuillérée pour la droite, sans oublier ses soutiens du bloc central. Il place donc la barre très haut au départ, 40 milliards d’euros d’effort, pour l’abaisser un peu au fil des négociations. Privé de majorité, il devra de toute façon recourir à l’article 49.3 à l’automne, et les différents groupes voteront ou non la censure, selon leur intérêt politique à ce moment-là. Avec pour l’exécutif un ultime outil, le pouvoir de dissoudre l’Assemblée que le chef de l’État retrouvera cet été. Une arme de dissuasion massive à utiliser avec précaution.

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