Édito
Budget 2025 : l’article 49.3 est-il une arme anti-démocratique ?

Le Premier ministre François Bayrou fera usage pour la première fois lundi de l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget. Si aujourd'hui de nombreux représentants politiques s'offusquent et crient au scandale, le recours au 49.3 n’a suscité, pendant longtemps sous la Ve République, aucune émotion particulière.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Déclaration de François Bayrou à l'Assemblée nationale, le 14 janvier 2025. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)
Déclaration de François Bayrou à l'Assemblée nationale, le 14 janvier 2025. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

François Bayrou engagera donc lundi 3 février l’article 49.3 pour faire adopter le budget. C’était attendu, et ce sera chose faite lors de l’examen dans l'après-midi des conclusions de la commission mixte paritaire. En fin de semaine, le Premier ministre l’enclenchera d’ailleurs une deuxième fois, à propos du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les insoumis vont donc de nouveau présenter deux motions de censure, et le PS comme le RN entretiennent le suspense quant à leur vote.
 

L’article 49.3 est-il une arme anti-démocratique ? C’est l’accusation brandie rituellement par certains opposants. "Coup de force", "déni de démocratie", ils rivalisent de postures indignées pour fustiger une décision qu’ils jugent "illégitime". Ces réactions sont plutôt récentes. Longtemps, le recours au 49.3 n’a suscité aucune émotion particulière. Entre 1976 et 1981, Raymond Barre l’a utilisé une dizaine de fois pour mater la fronde du RPR chiraquien. Michel Rocard reste le recordman du genre avec 28 49.3 en trois ans, entre 1988 et 1991 faute, déjà, de disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée. En fait, c’est en 2016 quand Manuel Valls l’a utilisé pour faire passer la loi Travail que le 49.3 est devenu objet de scandale auprès d’une frange de l’opinion. Dans les manifs, on a même commencé à entendre ou à lire sur les pancartes des slogans hostiles au 49.3. 

Un usage restreint depuis 2008

Un climat politique, de plus en plus hystérisé, a changé. L’impopularité de la réforme des retraites adoptée en 2023 par la même voie sous le gouvernement Borne a joué. Mais le 49.3 reste une disposition parfaitement démocratique qui vise à conforter la stabilité gouvernementale. Elle relève de ce que les constitutionnalistes appellent le "parlementarisme rationalisé". Or la fièvre qui s’est emparée de l’Assemblée attise un débat public de moins en moins rationalisé. C’est d’autant plus paradoxal que l’usage du 49.3 a été restreint par la révision constitutionnelle de 2008.

Le Premier ministre ne peut plus l’utiliser que pour un seul projet de loi par session, en plus des deux textes budgétaires. C’est encore trop pour ceux dont l’objectif n’est pas de démocratiser nos institutions, mais d’en bloquer le fonctionnement. Ce week-end, Lionel Jospin a mis en garde la gauche contre cette tentation du pire et il l’a appelé à ne pas censurer François Bayrou. Une leçon de responsabilité démocratique professée par un ex-Premier ministre qui n’a jamais recouru à l’article 49.3 en cinq ans de gouvernement de gauche plurielle.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.