Édito
Affaire Bétharram : François Bayrou contraint à un exercice de transparence après le récit de sa fille

Dans le livre "Le silence de Bétharram", Hélène Perlant révèle avoir été victime, adolescente, de violences lors d'un camp d'été organisé par la congrégation à laquelle appartient l'établissement privé catholique. Elle assure n'avoir rien dit à son père, alors ministre de l'Éducation et attendu le 14 mai devant la commission d’enquête parlementaire.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
François Bayrou, le Premier ministre à l'Assemblée nationale, le 5 mars 2025. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
François Bayrou, le Premier ministre à l'Assemblée nationale, le 5 mars 2025. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le récit de sa fille a contraint mercredi 23 avril François Bayrou à un exercice de transparence. Un exercice humainement douloureux pour le père, et politiquement délicat pour le chef du gouvernement. Dans nos démocraties contemporaines, la transparence est devenue une exigence démocratique incontournable. Les électeurs ne veulent pas seulement des gouvernants compétents, efficaces, mais aussi honnêtes, autant que possible, et même irréprochables. 

Ce devoir d’exemplarité a peu à peu brouillé la frontière entre ce qui tient à leur engagement public et ce qui relève de leur vie privée. La faute, parfois, aux politiques eux-mêmes quand ils mettent en scène leur famille à la télévision ou sur papier glacé pour servir leur carrière. À l’inverse, ils peuvent aussi être victimes de l’irruption de leur intimité sur la scène publique.

La transparence s’impose à eux et peut chambouler leur relation aux Français, voire l’exercice du pouvoir. Le quinquennat de François Hollande avait été bousculé par la révélation de sa liaison avec Julie Gayet devenue son épouse. Sur un registre plus dramatique, le séjour de François Bayrou à Matignon est heurté de plein fouet par le récit livré par sa fille aînée. La révélation des violences dont elle fut victime, adolescente, l’a contraint mercredi à "fendre l’armure", comme disait jadis Lionel Jospin.

Le Premier ministre responsable de l’état de santé d’une société

Il était parfois brouillon, voire erratique depuis qu’a éclaté l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram. Sa confusion a alimenté le soupçon qu’il en savait plus qu’il ne l’avouait. Sa fille certifie ne lui avoir jamais rien raconté de ce qu’elle a subi et ce témoignage poignant valide la version de François Bayrou. Comment aurait-il pu connaître l’ampleur des sévices commis au sein de cet établissement puisqu’il ne savait même pas que sa fille en avait été victime ?

C’est d’abord d’une épreuve personnelle. Le "père de famille" est meurtri par ces révélations qui lui "poignardent le cœur" et par ce silence de 39 ans qui lui est "presque insupportable". Mais c’est aussi une épreuve politique. François Bayrou se dit "hanté" par le très long silence dans lequel se sont réfugiées les nombreuses victimes de Bétharram. Ce silence, il va devoir le briser lors de son audition le 14 mai devant une commission d’enquête parlementaire où plusieurs intervenants l’ont mis en cause sous serment.

Est-on coupable de ne pas avoir vu, su, compris ou deviné ? Non. Tous les psychiatres l’expliquent aux parents qui découvrent avec retard des traumatismes enfouis par leurs enfants. Ils ne doivent pas se sentir coupables. Mais pour autant, un Premier ministre reste par définition responsable de l’état de santé d’une société. Il doit donc trouver les moyens de briser cette omerta collective qui fait trop souvent système.

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