Édito
Accusés ou condamnés, les politiques visés par des affaires restent intouchables dans l’opinion

Malgré condamnations ou mises en examen, des responsables politiques comme Marine Le Pen ou Rachida Dati continuent de prospérer dans les sondages. Les démêlés judiciaires semblent désormais glisser sur les élus sans véritable sanction électorale.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La ministre française de la Culture, Rachida Dati( à gauche) et la présidente du groupe parlementaire du RN, Marine le Pen (à droite). (Thomas SAMSON /ALAIN JOCARD / AFP)
La ministre française de la Culture, Rachida Dati( à gauche) et la présidente du groupe parlementaire du RN, Marine le Pen (à droite). (Thomas SAMSON /ALAIN JOCARD / AFP)

Les politiques mis en cause dans des affaires ne semblent pas en souffrir dans l’opinion. Marine Le Pen, par exemple, a été condamnée à quatre ans de prison, dont deux fermes, cinq ans d’inéligibilité et 100 000 euros d’amende pour détournement de fonds publics, et la cheffe de file de l’extrême droite n’a pas perdu un point dans les sondages. Avec 33 à 35%, elle caracole toujours en tête des intentions de vote pour la présidentielle de 2027. Même chose pour Rachida Dati. 

La ministre de la Culture n’a pas été condamnée, mais elle est mise en examen et renvoyée au tribunal pour corruption et trafic d’influence. Elle est accusée d’avoir perçu illégalement 900 000 euros dans l’affaire Renault-Nissan. On a appris mardi 16 septembre qu’une autre enquête la visait pour non-déclaration de bijoux d’un montant de 420 000 euros à la Haute autorité pour la transparence. Et pourtant, rien n’y fait. Rachida Dati est lancée à l’assaut de la mairie de Paris, son camp lui a fait allégeance sans coup férir. Elle est donnée largement en tête du premier tour des municipales de mars, entre 28 et 34%, selon un sondage Elabe du début de l’été. Les affaires glissent sur ces deux responsables politiques, comme sur d’autres, comme la pluie sur les plumes d’un canard.

L’exemplarité est passée de mode

Ce n’est pas nouveau, on a en mémoire plusieurs cas d’élus plébiscités malgré les affaires. Le plus spectaculaire, c’est celui de Patrick Balkany, réélu trois fois député et quatre fois maire de Levallois malgré une collection de condamnations. Mais dans la plupart des cas, il s’agissait de notables qui récoltaient les fruits de leur clientélisme à l’occasion de scrutins locaux. À l’échelle nationale, les affaires étaient souvent rédhibitoires, comme l’illustra la chute de François Fillon en 2017.


Depuis, le climat du débat public n’a cessé de se dégrader. L’exemplarité est passée de mode et le cynisme règne à tous les étages, au sommet comme à la base, chez les politiques comme dans les comportements électoraux. Emmanuel Macron a enterré la jurisprudence dite "Balladur" en conservant à ses côtés les ministres mis en examen. De Jean-Luc Mélenchon à Nicolas Sarkozy, les politiques condamnés chargent les magistrats avec une violence inédite. Ils fustigent un prétendu "gouvernement des juges" et arborent leurs cicatrices judiciaires comme des médailles. Certes, dans les sondages, les politiques n’ont jamais été autant discrédités. Selon le Cevipof, trois Français sur quatre les considèrent corrompus. Et pourtant, ils votent pour certains qui sont condamnés. Comme si cela n'avait plus aucune importance. Comme si les électeurs n’avaient finalement que les élus qu’ils méritent.

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