"Personne ne voulait croire que l’Église était misogyne" : Marie Mandy a mis 10 ans à fabriquer son documentaire "Femmes prêtres, vocations interdites"

Le Vatican ne les reconnaît pas mais 300 femmes ont été ordonnées prêtres à travers le monde. Arte leur offre enfin une visibilité dans le documentaire de Marie Mandy "Femmes prêtres, vocations interdites".

Article rédigé par Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans le documentaire, Marie Mandy traite des femmes ordonnées prêtre dans l'Eglise catholique. (Marie Mandy / Cinéphage Productions / Clin d'Œil Films)
Dans le documentaire, Marie Mandy traite des femmes ordonnées prêtre dans l'Eglise catholique. (Marie Mandy / Cinéphage Productions / Clin d'Œil Films)

Dans son nouveau documentaire "Femmes prêtres, vocation interdite", diffusé sur Arte le 12 avril, la cinéaste Marie Mandy s'attaque à un sujet aussi tabou que brûlant : celui des femmes ordonnées prêtres dans l'Église catholique, malgré l'interdiction formelle du Vatican. Un combat de foi et de désobéissance que la réalisatrice suit depuis dix ans. "Personne ne voulait croire que l'Église était misogyne et la plupart des diffuseurs pensaient que c'était un microphénomène, que ça n'intéressait personne. C'est seulement après que les abus sexuels de l'Église ont été révélés il y a quelques années, que tout le monde a compris que la place des femmes dans l'Église était un sujet très important." 

L'histoire commence pour Marie Mandy lorsqu'elle découvre des images d'archives montrant sept femmes ordonnées par un prêtre sur un bateau sur le Danube. Elle décide de les rencontrer : "J'ai découvert que c'étaient de vraies rebelles qui étaient animées d'une foi incroyable".

"Elles avaient décidé à un moment donné d'avancer, de ne pas attendre la permission et de chercher des évêques qui voulaient bien les ordonner".

Marie Mandy, cinéaste

sur franceinfo

Ces premières ordinations ont ensuite ouvert la voie à d'autres. Certaines sont devenues évêques et ont à leur tour ordonné d'autres femmes, "jusqu'à aujourd'hui 300 femmes prêtres dans le monde". Si le Vatican connaît l'existence de ces femmes prêtres, il ne sait comment réagir "parce que ces femmes font le job sur le terrain. Elles sont mères, elles sont grand-mères, elles ont des enfants. Et donc ils se disent 'mais si on les reconnaît, on doit mettre fin au célibat des prêtres'"

"Elles questionnent vraiment la vétusté du système de l'Église et cette espèce d'institution patriarcale qu'est le Vatican, et qui est totalement archaïque."

Marie Mandy, cinéaste

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Le documentaire suit des femmes comme Jacqueline, une journaliste suisse, qui attend l'autorisation officielle du Vatican pour être ordonnée. Lors d'une interview avec un cardinal, elle lui confie que depuis ses 15 ans, elle ressent "un appel au sacerdoce", ce à quoi le cardinal lui répond qu'il peut s'agir d'une erreur. Selon Marie Mandy, cette scène est symptomatique du déni total de la parole des femmes par le Vatican : "C'est un monde d'hommes totalement replié sur soi et qui n'ont aucune idée de la vie des femmes"

"Une femme pourrait totalement incarner le Christ"

Pour justifier l'exclusion des femmes, l'Église s'appuie sur des arguments théologiques que le documentaire démonte un à un. L'un des plus répandus est que seul un homme peut incarner le Christ. Une absurdité pour Marie Mandy : "Jésus n'était pas blanc, il était jeune. Aujourd'hui, y a des prêtres noirs âgés. Alors comment est-ce que ces prêtres-là incarnent Jésus ? Une femme pourrait totalement incarner le Christ". Les explications sont aussi politiques et financières : la crainte d'un schisme avec "l'Église africaine qui est très opposée à l'ordination des femmes" et la peur de perdre le soutien de donateurs conservateurs.

Comme le montre le documentaire, ce sujet reste très sensible au Vatican. Marie Mandy a dû avancer "masquée", prétendant faire "un film sur la place des femmes dans l'Église" pour avoir des entretiens avec des cardinaux proches du pape. Pour elle, visibiliser ces femmes est un actes essentiel : "tant que quelque chose n'est pas montré, ça n'existe pas. Personne n'a dans sa tête l'image d'une femme prêtre faisant la messe. Je voulais montrer ces images pour changer l'imaginaire collectif".

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