"Alexia, autopsie d’un féminicide" : "J’en ai assez que les faits divers s’intéressent exclusivement aux tueurs", explique l'auteur du documentaire
Thomas Chagnaud revient sur l'affaire Daval avec une série documentaire, disponible sur Canal+, qui repose sur les témoignages de la famille d'Alexia.
Thomas Chagnaud signe un documentaire en quatre parties pour Canal+ sur l'affaire Daval, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25 novembre. Ce film retrace le meurtre d'Alexia par son mari Jonathann en 2017. Il s'appuie sur les témoignages de la famille de la jeune femme. Les médias n'ont rien raté de cette terrible histoire. La disparition d'Alexia, la découverte de son corps brûlé, les larmes de son mari, puis ses aveux, ses accusations contre son beau-frère, puis de nouveau ses aveux et sa condamnation à 25 ans de réclusion.
franceinfo: On a l'impression de tout savoir. Pourquoi avoir voulu revenir sur cette affaire, via ce documentaire, alors que vous avez déjà écrit un livre avec les parents d'Alexia ?
Thomas Chagnaud : J'ai voulu montrer ce qu'il y avait derrière un fait divers, ce qu'on appelle un fait divers. On appelle ça un effet secondaire. Je voulais montrer que derrière ça, il y a une famille et une victime. D'abord, il y a des parents et il y a toute une famille qui est détruite. Et j'ai voulu placer le téléspectateur sur le canapé à côté de cette famille.
"J'ai voulu montrer à chacun d'entre nous ce qu'este la réalité d'un féminicide, d'un drame qui, comme celui-ci, a duré trois ans et pour eux dure encore."
Thomas Chagnaud, auteur du doc "Alexia, autopsie d’un féminicide"à franceinfo
La Maman d'Alexia, Isabelle Fouillot, vous a expliqué pourquoi elle avait accepté de témoigner dans ce film, ça lui a fait du bien finalement de parler de sa fille ?
C'est le fruit de trois ans de travail. On a écrit un livre ensemble et puis on a fait ce documentaire. J'ai fait ce documentaire, ils l'ont accepté pour moi et aussi pour ce que vous dites. C’est-à-dire qu'ils ont eu envie de raconter Alexia, pour la faire exister, comme le dit sa mère, mais aussi pour montrer ce que c'est la réalité d'un féminicide et pour aussi dire voilà, eux, leur drame a été extrêmement médiatisé. Donc Alexia, on la connaît, elle a eu un rôle, y compris pour nous, parce que c'est à partir d'Alexia qu'on parle de féminicide. Ça a été le premier meurtre de femme qualifié de féminicide en France. C'est à partir d'elle qu'on décompte et qu'on publie ce décompte depuis Alexia. Et donc il y a une force symbolique et la puissance d'Isabelle quand elle exprime ce qu'on vient d'entendre, elle donne une portée au drame de sa fille qui est extraordinaire. Et elle nous interroge tous sur la violence masculine, sur ce dire : mais comment est-ce que tout ça est possible ?
Est-ce que vous vouliez raconter l'histoire par le prisme des parents ? Il n'y a pas, par exemple, le témoignage de la maman de Jonathan Daval, la psychologie du tueur, ce n’est pas votre sujet ?
La psychologie du tueur, je la raconte par le biais de ce que cette famille a vécu tout au long de ce drame. C'est eux qui ont vécu avec ça, avec leur meurtrier. Ils ont vécu avec Jonathan pendant dix ans avant qu'il tue Alexia. Pendant trois mois, après qu'il ait tué Alexia, il est venu vivre chez eux. Et donc la psychologie du personnage, la manipulation qu'il a eu à l'égard de toute cette famille et principalement des parents est, je crois, extrêmement démontrée. C'est évident que mon point de vue, c'était de montrer, de donner la parole aux familles. J'en ai assez que les faits divers s'intéressent exclusivement aux tueurs. Derrière les tueurs, il y a des familles, il y a des victimes et c'est ça qui m'importe. Je ne peux pas mettre au même niveau les parents d'Alexia et les parents de Jonathan Daval.
Vous les connaissez très bien maintenant, les parents et puis il y a la sœur et le beau-frère d'Alexia, ils sont d'une gentillesse absolue, ça se voit dans leurs témoignages. Est-ce que vous arrivez à comprendre que Jonathann Daval ait pu les manipuler aussi longtemps ?
Oui, parce qu'ils sont ce qu'ils sont, c’est-à-dire qu'ils sont généreux. Ils sont ouverts, c’est-à-dire que quand ils vous reçoivent, ils vous reçoivent immédiatement comme des amis, ils ne se protègent jamais. Et avec Jonathann Daval, ils ne se sont pas protégés. D'autant plus qu'il n'y avait pas de raison de se protéger. Parce qu'il a tout fait pour être accepté. Il a tout fait pour être le gendre idéal et il a été le gendre idéal. Donc quand il y a eu ce drame, personne n'a pu imaginer ça. Ce que je montre bien dans la série, c'est qu'il y a ce rapport à la vérité. Il est différencié entre les parents, la famille qui est très proche de lui et qui ne voit pas et qui ne comprend pas, y compris quand il est arrêté. Quand il est arrêté, les gendarmes viennent voir Isabelle pour lui dire "on va arrêter Jonathan ce matin", ils disent "mais vous êtes malades, vous êtes en train de refaire l'affaire Grégory". Ils ne peuvent pas l'accepter parce que c'est leur gendre, mais c'est leur fils. Et donc c'est impossible pour eux d'imaginer que leur fils ait tué leur fille. C'est ça qui est extraordinaire là aussi, dans cette affaire.
Et ce qui est très présent dans votre documentaire, c'est aussi le rôle qu'ont joué les médias. Il y a eu un déferlement de journalistes dès le départ. Comment les proches d'Alexia ont vécu ça ?
Ils l'ont vécu, ils l'ont subi. Au départ, quand on était dans la recherche du corps et quand ils ont vu les premiers médias arriver, ils ont été satisfaits. Comme d'ailleurs tout le monde était mobilisé pour retrouver Alexia, ils se sont dit "ça va nous aider à la retrouver" parce qu'ils pensaient qu'elle était kidnappée, qu'elle était quelque part. Et après, il y a eu immédiatement une présence médiatique extrêmement forte, parce que cette affaire nous ressemble, cette famille nous ressemble. Ce drame de joggeuse est un drame qui forcément intéresse tout le monde parce que ça fait peur. Et donc il y a eu un intérêt médiatique très fort. Ils l'ont vécu comme un poids supplémentaire. Ça a été évidemment extrêmement difficile d'apprendre dans chacun des médias ce qui allait leur arriver ou ce qui venait de leur arriver, de l'autopsie jusqu'à leur accusation, ils l'auront appris dans les médias.
Mais après, ils ont utilisé les médias pour rétablir des vérités et pour réhabiliter leur fille. Parce que l'avocat de Jonathan Daval disait des choses pas très agréables ?
Il faut se souvenir de ça. C’est-à-dire que pendant quatre mois, la famille n'a absolument pas pris la parole. Ils ont pris la parole à partir du moment où l'avocat de Jonathan Daval a expliqué devant les médias de la France entière et sur tous les plateaux de télévision et de radio, que le violent des deux, n'était pas celui qu'on croyait, que c'était Alexia la violente et que donc elle était, dans une certaine mesure, un peu responsable de ce qui lui était arrivé. Évidemment, c'était odieux pour tout le monde, c'était odieux pour les parents qui se sont dit on doit prendre la parole. Il y a eu la défense de Marlène Schiappa à l'époque et c'est cette défense-là qui leur a fait prendre conscience qu'ils pouvaient, eux aussi, prendre la parole pour défendre leur fille. Et ça a donné lieu à la première interview par Ruth Elkrief. Et après, évidemment, d'autres ont suivi.
Retrouvez cette interview en vidéo :
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