"Je me sens abîmée" : près de sept mois après le procès de l'assassinat de son frère, Samuel Paty, Mickaëlle, se livre sur les séquelles du drame

"La mort de Samuel est tellement tragique, poignardé 17 fois, puis décapité. Cet acte, je ne le comprendrai jamais", confie Mickaëlle Paty qui évoque son "handicap à avoir une vie classique".

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Mickaëlle, l'une des sœurs du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, assassiné le 16 octobre 2020 par un islamiste pour avoir montré des caricatures de Mahomet issues de "Charlie Hebdo" en cours d’instruction morale et civique sur la liberté d’expression. (CYRIL DODERGNY / MAXPPP)
Mickaëlle, l'une des sœurs du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, assassiné le 16 octobre 2020 par un islamiste pour avoir montré des caricatures de Mahomet issues de "Charlie Hebdo" en cours d’instruction morale et civique sur la liberté d’expression. (CYRIL DODERGNY / MAXPPP)

Le 20 décembre 2024, la cour d'Assises spéciale rend son verdict dans le procès sur l'assassinat du professeur Samuel Paty. Les huit accusés sont tous condamnés, deux notamment à 13 et 15 ans de prison pour association de malfaiteurs terroristes. C'est l'une des sœurs de l'enseignant, Gaëlle Paty, qui s'exprimera devant micros et caméras à la sortie de la salle de tribunal. "Je suis émue, je suis soulagée, déclarera-t-elle. D'entendre ces mots : 'coupables !', c'est ce dont j'avais besoin". L'autre sœur de Samuel Paty, Mickaëlle, n'a pas pu s'exprimer devant la presse. Prise à partie verbalement par les proches des accusés à l'énoncé du verdict, elle est exfiltrée par les gendarmes.

Gaëlle et Mickaëlle ne se parlent plus depuis l'assassinat de l'enseignant le 16 octobre 2020 par un islamiste. Elles ne partagent pas la même vision sur cet attentat. Une rupture familiale consommée sur laquelle Mickaëlle refuse de s'exprimer. Alors que quatre accusés ont fait appel et seront rejugés début 2026, elle raconte pourquoi la fin du procès en première instance lui laisse un goût amer. "Quelque part, j'ai dû finir un procès sans le finir. C'est quelque chose que j'ai un peu mal vécu. Pendant quelques mois, je n'ai pas pu mettre un point final. Je pense que pour les victimes, les procès sont là au moins pour apporter une sorte de point, pas un point où le livre est fermé mais qui peut apporter une paix intérieure dont on a besoin."

Elle a fait un "break" de trois mois."Depuis le mois d'avril, j'ai recommencé à intervenir dans des collèges ou des établissements. Je suis également sollicitée sur d'autres interventions cette année et l'année prochaine. Ça m'a permis de me relancer, raconte-t-elle. De toute façon, il va y avoir un procès en appel avec notamment les deux personnes qui ont été condamnées pour association de malfaiteurs terroristes et également les deux personnes qui ont été condamnées pour complicité. À partir du moment où il y a un appel, on remet tout en jeu. Il va falloir encore écouter pendant presque cinq semaines peut-être le même discours que l'année dernière avec la crainte que c'est que des peines puissent être plus faibles. Je souhaiterais qu'elles soient légèrement alourdies. La mort de Samuel est tellement tragique, poignardé 17 fois, puis décapité. Cet acte, je ne le comprendrai jamais."

Un coût sur la santé physique et mentale

Le premier procès a déjà eu un coût physiologique et physique pour Mickaëlle qui n'est pas Parisienne. "Le procès a duré sept semaines, c'était particulièrement éprouvant et long. Régulièrement, j'avais des oppressions thoraciques que je mettais sur le compte d'un stress, d'un épuisement, sauf qu'en rentrant, les signes ont persisté. J'ai fini sur une table de coronographie, c'est une table d'examen qui permet de voir l'état des coroners. Les miens commençaient à souffrir et spasmaient à la moindre réaction émotive. J'ai un traitement que je prends maintenant tous les jours qui me permet de supporter tous ces signes mais en terme médical, quand c'est abîmé, on ne répare pas. Bien sûr que je me sens abîmée. Ils m'ont pris une partie de mon insouciance, une partie de la légèreté que je pouvais avoir à vivre. C'est un handicap à avoir une vie classique."

"On n'est jamais serein. C'est refuser de prendre les transports en commun. C'est un handicap certain. Je sais vivre avec pour ne pas que ça se voit, pour ne pas que ma vie de famille en soit trop impactée mais j'ai un état d'hypervigilance presque permanent."

Mickaëlle Paty

à franceinfo

Seuls ses enfants arrivent à l'"extraire de toutes ces pensées qui sont omniprésentes". Ce qui lui fait du bien aussi, confie-t-elle, ce sont ces interventions qu'elle fait auprès des collégiens. "Ce n'est pas pour moi que je mène ce combat. Je n'ai rien à gagner. À la fin, mon frère sera toujours absent. Mais au moins, je vois que certains enseignants entendent que ce que je fais, c'est pour eux, et ça, ça fait du bien".

Mickaëlle Paty se dit toujours déterminée à démontrer que l'État a sa part de responsabilité dans l'assassinat de son frère. Plusieurs enquêtes administratives sont toujours en cours, notamment contre le ministère de l'Éducation et la ville de Conflans-Saint-Honorine où Samuel Paty enseignait et où il est mort.  

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