Guerre entre Israël et le Hamas : retour à la case départ
Tirs de roquettes contre Israël, bombardements massifs de la bande de Gaza et manifestations de soutien aux otages, le cycle d’avant-trêve a repris. L’armée israélienne s’attaque maintenant à la partie sud de la bande de Gaza avec des moyens militaires considérables mais sans présenter de plan crédible pour "l'après".
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Très vite, les sirènes d'alerte ont réapparu dans le quotidien des Israéliens. La plupart des roquettes tirées depuis la bande de Gaza ont été interceptées par le bouclier antimissile dôme de fer. Il n'y a pas eu de victimes mais dans les zones concernées, la vie quotidienne est perturbée et le stress est permanent. Certaines écoles ont dû refermer faute d'abris. À Tel Aviv, le rassemblement de soutien aux otages et à leurs familles a dû être interrompu, le samedi 2 décembre au soir, à cause d'un tir nourri de roquettes.
Depuis la fin de la trêve le vendredi 1er décembre, les échanges quotidiens entre otages israéliens du Hamas et détenus palestiniens en Israël ont cessé. À Gaza, les différents mouvements terroristes retiennent encore 137 otages. Selon le département d'Etat américain, le Hamas n'a pas libéré une quinzaine de femmes par peur qu'elles révèlent ce qu'elles ont subi. En Israël, les familles des otages ont peur que ces derniers soient relégués au second plan. "Il faut qu’on pèse de tout notre poids pour une solution qui permettra de les ramener tous. Peu importe comment on va faire, à quel prix… Est-ce que ce sera pendant des combats ou grâce à un nouveau cessez-le-feu ? On n’est pas fermés sur les moyens, il faut juste qu’on y arrive !" raconte Orgat, originaire du kibboutz Be’eri. Sa mère a péri dans l'attaque, sa sœur Carmel et sa belle-sœur Yarden ont été prises en otages, seule la seconde a été libérée. "On est très inquiets à l’idée que Carmel et les autres otages à Gaza puissent être victimes des bombes israéliennes ou de tout le mal que le Hamas pourrait leur faire" confie Orgat à nos envoyés spéciaux Gilles Gallinaro et Camille Magnard.
Les Gazaouis aussi ont renoué avec un bruit malheureusement familier : celui des bombardements de l'armée israélienne. Plusieurs centaines de personnes ont péri depuis la reprise des frappes. Le bilan frôle les 16 000 morts selon le Hamas toujours au pouvoir dans la bande de Gaza. Il est toujours impossible aux journalistes étrangers comme ceux de Radio France de se rendre sur place à cause des restrictions imposées par l'armée israélienne. Depuis Ramallah en Cisjordanie, Alice Froussard est parvenue à joindre des Gazaouis au téléphone comme Aya, originaire du camp de Jabalya au nord et réfugiée dans l'hôpital Nasser de Khan Younès au sud : "Il n'y a plus aucun endroit sécurisé ici. Les chars israéliens sont entrés à Khan Younès, ils vont nous faire ici ce qu'ils ont fait au nord."
Selon l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, environ 1,900 million de personnes, ont été déplacées dans toute la bande de Gaza depuis le 7 octobre, soit 80% de la population. Les avions et les chars israéliens sont massivement employés mais en 2023, l'armée d'Israël compte aussi sur les capacités technologiques de la "startup nation" et utilise l'intelligence artificielle pour planifier ses bombardements. Israël déploie tous ses moyens pour "éradiquer" le Hamas selon les mots du Premier ministre Netanyahou.
Un dialogue radiophonique entre Jérusalem et Beyrouth
Pour le journaliste et auteur franco israélien Charles Enderlin, ce conflit n'est pas comme les autres : "le mouvement de résistance, même lorsqu'il utilise le terrorisme, est un mode de combat, illégitime et immoral, mais qui est omniprésent au Proche-Orient. La résistance, ce n'est pas le viol, le massacre, le kidnapping de vieillards, de bébés, de personnes atteintes d'Alzheimer. Le cheikh Yassine, le fondateur de ce mouvement, considérait et expliquait que l'Israël devrait disparaître en 2027. Les théologistes du Hamas, maintenant, ces jours-ci, sur les sites de l'organisation, expliquent que le moment de la disparition d'Israël, c'est maintenant". Dans un dialogue de haut vol associant respect mutuel, hauteur de vue et convictions, l'écrivaine libanaise Dominique Eddé estime, depuis Beyrouth, qu'il est impossible de parler de guerre : "La disproportion est telle que nous ne pouvons pas parler d'une guerre entre une armée toute-puissante soutenue par les États-Unis et un groupe d'hommes armés qui s'appelle le Hamas pour l'instant, mais qui n'est pas voué à exister éternellement. Et donc il n'est pas question d'une guerre, il est question, là maintenant, d'une opération de vengeance et de représailles avec un projet politique qui s'avère de plus en plus clair et qui est celui de l'annexion des territoires occupés.
"Je crains que nous soyons à un point de non-retour. J'espère quand même que nous arriverons à renverser cette situation en quelque chose d'humain."
Dominique Eddé, écrivaine
"Je pense ainsi au plan de la justice pour les Palestiniens et au plan de la sécurité pour les Israéliens qui ont vécu un choc épouvantable, dont nous avons maintenant tous les éléments et qui sont effectivement terrifiants, poursuit Dominique Eddé. Je ne peux que constater l'ampleur du carnage à Gaza et maintenant en Cisjordanie."
Quel avenir pour la bande de Gaza ?
Dans la presse israélienne encore, Avi Issacharoff pointe l'absence de vision israélienne pour l'avenir de la bande de Gaza. Le journaliste respecté en matière de Défense devenu scénariste et producteur de la série Fauda cite un officiel israélien pour qui "L'échelon politique ne veut pas que l'Autorité Palestinienne revienne dans la bande de Gaza. On comprend. Mais il ne veut pas non plus d'administration militaire israélienne de Gaza. Alors ça veut dire quoi ? L'ONU ? L'agence pour les réfugiés, peut-être la Suède ?". Pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences Po Paris : "Israël n'est pas réellement arrivé à la destruction du Hamas mais a repoussé ses forces vives vers le sud de la bande de Gaza qui représente 60% du territoire. Je suis très dubitatif [sur le projet israélien de bande de sécurité élargie dans Gaza]. Les distances sont petites et il est facile sur cette bande sablonneuse de construire des tunnels. Au fond, on ne fera que repousser de quelques centaines de mètres, ce qui est tactiquement dérisoire, la possibilité pour des terroristes de franchir une nouvelle fois la barrière. La position est compliquée pour Joe Biden : en interne, les élections interviennent dans quelques mois. En externe, il faut démontrer aux Etats arabes modérés alliés de Washington que les Etats-Unis tiennent une position équilibrée avec le droit d'Israël de riposter et le rappel de la nécessité absolue de la perspective d'une solution à deux Etats. Mais je pense que pour l'instant Biden fait un sans-faute."
Dans cet épisode : Gilles Gallinaro et Camille Magnard, Alice Froussard, Valérie Crova, Charles Enderlin, Dominique Eddé
Mise en ondes : Anne Depelchin
Technique : Raphaël Rousseau
Production : Frédéric Métézeau
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