Avec Manuel Valls, le rocardisme de retour à Matignon?
Qu'est-ce que le rocardisme ? Quelles sont ses caractéristiques et à quoi s'oppose-t-il ? Plus encore, l'arrivée de Manuel Valls à Matignon marque-t-elle le grand retour de cette "deuxième gauche" ? Analyse.
Si l'on a moins de 30 ans aujourd'hui, on peut ne pas savoir ce qu'est le rocardisme. Courant minoritaire du Parti Socialiste, boîte à idées de la gauche, il a été incarné par Michel Rocard.
Ses racines : le parti socialiste unifié dès les années 60.
Sa matrice : le syndicalisme chrétien, déconfessionnalisé, laïcisé, avec le passage de la CFTC à la CFDT. On dira que c'est une "gauche catho" ou, plus souvent, on en parle comme de la deuxième gauche ou de la seconde gauche.
C'est une gauche anti-totalitaire, très hostile au Parti Communiste et à l'URSS, autogestionnaire - d'où le lien avec les syndicats-, et une gauche anti-colonialiste, au moment de la guerre d'Algérie.
Les idées du rocardisme
Les idées du rocardisme : pragmatisme, réalisme, et "parler vrai". Sur l'économie, le rocardisme incarne un courant favorable au marché. Les rocardiens veulent réformer le capitalisme mais non pas le détruire. Ils croient à la régulation, à l'économie solidaire, au secteur associatif, et la co-gestion avec les syndicats a leur préférence. Sur l'Etat, ils sont des décentralisateurs convaincus. Sur le social, ils préfèrent le contrat à la loi, le dialogue social à l'autoritarisme d'Etat. C'est tout cela que Michel Rocard, nommé Premier ministre en 1988, a tenté de mettre en oeuvre : un réformisme de gauche.
Les critiques au rocardisme
Dans une discours célèbre en 1977, Michel Rocard oppose deux gauches et deux cultures politiques : d'un côté le jacobinisme, la centralisation, l'étatisme, le marxisme orthodoxe et de l'autre, une gauche décentralisatrice, régionaliste et libératrice sur les moeurs. D'un côté une gauche "socialiste", de l'autre une gauche "réformiste" , pour reprendre les mots de Michel Rocard.
Les critiques sont nombreuses et l'ont souvent taxée, cette gauche, de "gauche américaine" - ce qui est très méchant dans le langage socialiste-. Mais cette gauche est d'abord une gauche européenne. "L'avenir du socialisme n'existe qu'au niveau européen ", déclare dès 1977 Michel Rocard.
Ce courant, minoritaire à la base, va peu à peu devenir majoritaire au PS. Lionel Jospin en 1997 ou François Hollande aujourd'hui vont tenter une synthèse de ces deux gauches pour dépasser ce qu'ils jugent être un faux débat .
Manuel Valls, héritier du rocardisme ?
Manuel Valls est l'incarnation de cette seconde gauche : il fut le responsable des Clubs Forum, les jeunes rocardiens, dans les années 80. C'est là qu'il a appris la politique. Jeune conseiller de Michel Rocard en 1988, il s'est toujours revendiqué du rocardisme, même s'il a, lui aussi, fait la synthèse de ces deux gauches : il fut l'homme-clé de Lionel Jospin à Matignon en 1997, et bien sûr le rocardisme fondu dans le hollandisme depuis 2012.
Certains rejettent cette distinction des deux gauches. D'autres pensent que le PS est devenu entièrement rocardien -gestionnaire et pro-économie de marché-. D'autres disent encore que ce n'est qu'une posture, un positionnement iconoclaste, une simple transgression.
Maintenant que les idéologies et les grandes utopies ont disparu, beaucoup cherchent à savoir ce qu'est la gauche aujourd'hui, par temps de mondialisation et de basculement numérique.
Le rocardisme est trop daté, trop ancien, trop archaïque pour redevenir l'ADN de la gauche française aujourd'hui, mais il reste un visage, un courant, une matrice essentielle du PS au gouvernement.
25 ans après l'arrivée de Michel Rocard à Matignon c'est au tour de Manuel Valls d'incarner la seconde gauche ; et de la dépasser.
Frédéric Martel
* Pour aller plus loin :
-
"Enquête sur les idées de Manuel Valls", Le Monde , 04/042014
-
Michel Rocard, "Les deux cultures politiques", discours, congrès du PS de Nantes, avril 1977 (réédité dans Michel Rocard, Parler Vrai , Le Seuil, 1979.
-
Michel Rocard, Si la gauche savait, Entretiens avec Georges-Marc Benamou , Robert Laffont, 2005
-
Patrick Rotman, Hervé Hamon, La deuxième gauche, histoire intellectuelle et politique de la CFDT , Le Seuil, 1982
- Edmond Maire : une histoire de la CFD T, Jean-Michel Helvig, Le Seuil, 2013
À regarder
-
Vagues, rafales : la tempête Benjamin a battu des records
-
Tempête Benjamin : sauvetage en pleine mer
-
Nouvelle-Calédonie : 50 détenus attaquent l'État en justice
-
Cancer : grains de beauté sous surveillance grâce à l'IA
-
La langue des signes est-elle en train de mourir ?
-
Un malade de Parkinson retrouve l'usage de ses jambes
-
Ils crient tous ensemble (et c'est ok)
-
Obligée de payer une pension à sa mère maltraitante
-
Maison Blanche : Donald Trump s'offre une salle de bal
-
Musée du Louvre : de nouvelles images du cambriolage
-
Traverser ou scroller, il faut choisir
-
Manuel Valls ne veut pas vivre avec des regrets
-
Nicolas Sarkozy : protégé par des policiers en prison
-
Piétons zombies : les dangers du téléphone
-
Tempête "Benjamin" : des annulations de trains en cascade
-
Femme séquestrée : enfermée 5 ans dans un garage
-
Vaccin anti-Covid et cancer, le retour des antivax
-
A 14 ans, il a créé son propre pays
-
Ils piratent Pronote et finissent en prison
-
Aéroports régionaux : argent public pour jets privés
-
Bali : des inondations liées au surtourisme
-
Cambriolage au Louvre : une nacelle au cœur de l'enquête
-
Alpinisme : exploit français dans l'Himalaya
-
Un objet percute un Boeing 737 et blesse un pilote
-
Cambriolage au Louvre : où en est l'enquête ?
-
Jean-Yves Le Drian défend l'image de la France
-
Chine : 16 000 drones dans le ciel, un nouveau record du monde
-
Donald Trump lance de (très) grands travaux à la Maison Blanche
-
Glissement de terrain : des appartements envahis par la boue
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter