CHRONIQUE. Enjeux climatiques, questions de société... D'où vient la légitimité des conventions citoyennes ?
Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 30 avril : une innovation démocratique dont on parle de plus en plus, les conventions citoyennes.
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En France, nous avons déjà connu deux conventions citoyennes : la première en 2020, sur le climat ; la seconde très récemment, sur la fin de vie. Mais d’où provient la légitimité de telles institutions ? Pourquoi devrions-nous faire confiance à 150 citoyens tirés au sort ?
Cette question est fondamentale : les conventions citoyennes sont en train de s’imposer, en France et à l’étranger, comme une composante de nos démocraties représentatives. Rappelons-en, rapidement, le principe : tirer au sort plusieurs dizaines, voire centaines d’individus, qui se réunissent ensuite régulièrement, pendant plusieurs mois, jusqu’à pouvoir formuler leurs recommandations sur la question dont ils étaient saisis. C'est là que nous pourrions commencer à nous interroger. Pourquoi devrions accepter qu’une poignée de citoyens, sélectionnés au hasard, se retrouvent investis du pouvoir d’influencer les décisions sur des sujets qui nous concernent toutes et tous, sans que nous n’ayons notre mot à dire, alors que nous avons déjà des assemblées élues ?
Aussi inhabituel qu’il puisse paraître, le tirage au sort possède en réalité deux vertus essentielles. La première, c’est la représentativité de la société : si les participants sont tirés au sort avec rigueur – ce qui est loin d’être toujours le cas – nous nous retrouvons mécaniquement avec une assemblée qui ressemble à la France. Elle comporte autant d’ouvriers, de jeunes, de femmes, que la population générale. Cela permet de recueillir, dans le débat public, la contribution de personnes que l’on n’entend rarement : c’est, évidemment, une vertu démocratique. Mais ce n’est pas tout. Deuxième vertu du tirage au sort : l’indépendance. Les participants ne doivent leur place à rien d’autre qu’au hasard. Ils n’ont pas non plus à se préoccuper d’être réélus. Cela garantie une très grande indépendance vis-à-vis des partis politiques ou des groupes d’intérêt. Et c’est capital. Les participants ne sont prisonniers d’aucune posture : ils peuvent débattre librement et, le cas échéant, s’autoriser à changer d’avis.
Et pourquoi ne pas tirer au sort notre Assemblée nationale ?
Parce que le tirage au sort vient avec un prix à payer. Il lui manque la vertu essentielle de l’élection : l’assentiment. Si nous acceptons toutes et tous de nous plier aux lois votées par le Parlement, c’est parce que les députés et les sénateurs ont recueilli, par l’élection, l’assentiment du peuple. Un assentiment certes imparfait. On peut le critiquer de bien des manières. Remarquer qu’il n’est pas celui de tout le peuple, mais seulement d’une majorité – une majorité, parfois, très relative. Il n’empêche que l’élection confère une légitimité. C’est la raison pour laquelle les Conventions Citoyennes ne prennent pas de décisions : elles n’ont pas reçu notre assentiment. Tout ce qu’elles peuvent faire, c’est mettre en circulation une proposition issue des citoyens eux-mêmes.
Nous pourrions arriver au même résultat avec un simple sondage d’opinion. Mais ça ne serait pas le même résultat ! Le principe d’un sondage, c’est qu’il enregistre des réponses très spontanées… et, souvent, peu informées. Les propositions issues d’une convention citoyenne ne sont pas de la même nature : elles sont issues de la délibération. Les participants ne se contentent pas de donner leur avis. Ils se forment à la question, auditionnent des experts, confrontent leurs idées, évoluent sur leurs positions. Le rapport final nous donne une idée de ce que pourrait être l’opinion publique si tous citoyens avaient le temps d’investir la question. On est très loin d’un simple sondage. Au contraire, on participe d’un idéal : celui de la « force non violente du meilleur argument », pour citer le philosophe Jurgen Habermas.
Comment valoriser cette contribution citoyenne tout en respectant la liberté des élus ?
C’est effectivement la grande question ! Il existe une solution simple : le referendum. Laisser les citoyens décider d’accepter ou non la décision qui aura été préparée, pour eux, par la convention. Le seul problème… c’est que cela suppose des élus qu’ils acceptent de se dessaisir d’une partie de leurs prérogatives. A contrario, il y a toujours le risque que ces conventions se retrouvent instrumentalisées par le pouvoir politique : le gouvernement reprend la main… et ne retient, des propositions, que ce qui l’arrange. Pour l’instant, c’est plutôt ce qui s’est produit en France – à tout le moins, avec le Grand débat national et la Convention pour le climat.
Alors, les conventions citoyennes resteront-elles un gadget permettant de conférer un simple vernis citoyen à des décisions gouvernementale ? Ou deviendront-elles le moyen de faire émerger une nouvelle légitimité démocratique ? L’avenir, seul, nous le dira.
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