L'Autriche suspend le regroupement familial, une première dans l'Union européenne

L’Autriche souhaite suspendre le regroupement familial, c'est une première dans l’Union européenne. Afin de permettre au gouvernement de mettre en œuvre cette mesure, la loi sur l’asile doit être modifiée le 25 avril 2025 au Parlement. Selon plusieurs spécialistes, elle serait contraire au droit européen et elle laisse les réfugiés dans un état d’angoisse et d’incertitude.

Mohammad a fui la Syrie et est arrivé seul en Autriche fin 2021. Après avoir obtenu l’asile dans le pays, le jeune homme de 32 ans a appris l’allemand et travaille aujourd’hui comme couvreur. Il a fait, dès 2023, une demande de regroupement familial, pour pouvoir faire venir sa femme et ses deux enfants, actuellement en Turquie.

Il attendait une réponse depuis plus d’un an lorsqu’il a appris que le gouvernement autrichien souhaitait suspendre le regroupement familial. Depuis, le jeune homme raconte vivre un quotidien difficile, entre peur et désillusion. "Je trouve cela inhumain. Comment peut-on séparer des familles ? Comment peut-on faire cela ? Nous avons toujours eu de l’espoir, mais maintenant, nous n’en avons plus aucun. Je me sens perdu, explique-t-il. Je suis normalement un homme très ouvert, mais en ce moment je n’ai plus envie de rencontrer des gens. Mes amis et connaissances me disent d’aller voir un médecin, mais que peut faire un médecin pour moi ? Je connais la solution, la solution, c’est ma famille." 

"Ma femme pleure presque tous les jours et mes enfants me demandent tout le temps quand ils vont pouvoir venir me rejoindre et je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais plus ce que je dois faire, je ne peux qu’attendre un miracle."

Mohammad, a obtenu l'asile en Autriche

à franceinfo

Une mesure contraire au droit européen

Plusieurs juristes affirment que cette mesure serait contraire au droit européen. Le gouvernement autrichien la justifie en faisant valoir que le système, éducatif en particulier, est surchargé et invoque la "clause d’urgence". Un article du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, selon lequel le droit national peut exceptionnellement primer sur le droit européen en cas de menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure. Un argument qui ne tient pas, selon Franz Leidenmühler, directeur de l'Institut de droit européen de l'Université de Linz : "Cette 'clause d’urgence' doit, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, être comprise de manière très stricte. Cela doit concerner l'existence de l'État, une menace de guerre civile ou une menace de chaos dans l'État, ce qui n'est pas le cas ici".

"Ce que l'Autriche prévoit est donc illégal, cela va à l'encontre du droit jurisprudentiel et cela aura pour conséquence que l'Autriche sera condamnée."

Franz Leidenmühler, directeur de l'Institut de droit européen de l'Université de Linz

à franceinfo

"L’Autriche devra mettre fin à cette mesure et dira alors : nous voulions stopper le regroupement familial, mais la méchante Union européenne ne nous le permet pas. C’est un jeu politique malsain." Le gouvernement autrichien souhaite que cette mesure s'applique pour un an au moins.