À Dublin, une étudiante bolivienne dit avoir reçu des propositions de logements en échange de relations sexuelles

Alors que la Commission européenne dévoile mardi son plan européen pour le logement abordable, c'est en Irlande que se loger revient actuellement le plus cher. Au point qu'à Dublin, des personnes se voient proposer un toit en échanges de relations sexuelles.

Article rédigé par franceinfo - Clémence Pénard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Seuil de porte, Irlande. Photo d'illustration. (KINGA KRZEMINSKA / MOMENT RF/ GETTY)
Seuil de porte, Irlande. Photo d'illustration. (KINGA KRZEMINSKA / MOMENT RF/ GETTY)

L'Irlande fait face à une énorme crise du logement depuis plusieurs années maintenant. Mais un phénomène plus récent est apparu : les offres de logement contre relations sexuelles se multiplient à Dublin. Des propositions qui visent surtout les jeunes femmes, et en particulier les étudiantes internationales, premières cibles de cette dérive.

C’est ce qu’a vécu Darling Duran, une étudiante bolivienne qui, à l’été 2022, s'est installée à Dublin pour apprendre l’anglais : "J'ai lu une annonce pour louer une chambre individuelle, pour 700 euros, raconte-t-elle. Mais quand j’ai contacté l’homme qui l’avait postée, il m'a dit : 'Oui oui, c'est une chambre individuelle parce que c'est ma chambre ! Comme je travaille la nuit, elle sera libre pour toi, je serai juste là de temps en temps.' Alors là, je me suis dit : 'Mais qu'est-ce que ça veut dire ?' Moi, j'ai besoin d'un endroit pour moi, un endroit où je me sens en sécurité."

Des propositions qui ont l'air normales

Aujourd'hui, Darling en rit, mais à l'époque, elle a été profondément choquée. Les annonces ne mentionnent jamais, noir sur blanc, ces demandes sexuelles, mais les intentions deviennent rapidement évidentes dès que des femmes y répondent. Et en Irlande, dans ce contexte de pénurie immobilière, c’est encore plus difficile de trouver un logement, lorsque l’on est étudiant international.

D’après Darling, il est même impossible de passer par des agences classiques : "Elles ne prendront souvent pas en compte votre demande, témoigne la jeune femme, car vous ne remplissez pas les critères, vous n’avez pas de références ni de preuve de revenu stable, des éléments qui montrent que vous êtes un locataire fiable."

La plupart finissent donc par chercher un logement principalement via des communautés en ligne. "Malheureusement, surtout sur Facebook, certaines personnes essaient d’en profiter, raconte Darling. Vous prenez ce que vous trouvez, car vous avez peu d’options. On peut se retrouver à vivre dans une chambre avec quatre ou cinq personnes, parfois des hommes et des femmes ensemble, et dans ces conditions, tout peut arriver, n’est-ce pas ?"

Des cas d'ultimatum

L’expérience de Darling n’est pas un cas isolé. L'étudiante est familière de ce genre d'histoires. "J'avais une amie qui vivait dans une maison. Un jour, son propriétaire était ivre et il a essayé, vous savez, de faire quelque chose avec elle, et il l’a menacée, en lui disant que si elle ne voulait pas, elle devait quitter la maison. Donc, elle a dû s’enfuir, en pleine nuit !"

Brian Hearne travaille au Conseil irlandais des étudiants internationaux : "Notre enquête révèle que 5% des étudiantes internationales ont été témoins ou ont reçu directement une proposition de faveurs sexuelles contre un loyer, affirme-t-il. Mais il est très difficile de dire combien de personnes exactement reçoivent ce genre de propositions, ça n'est probablement que la partie visible de l’iceberg."

Une action législative est urgente pour résoudre ce problème, selon le Conseil irlandais des étudiants internationaux. Surtout à Dublin, où le loyer moyen avoisine désormais les 2 500 euros, une hausse de 4% par rapport à l'année précédente. D’après le nouveau ministre de la Justice Jim O'Callaghan, le gouvernement envisagerait de faire de ces demandes de faveurs sexuelles en échange d'un toit, une infraction pénale spécifique.

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