Naissance d'un système planétaire
Alma, le nouvel instrument astronomique géant international, vient de réaliser la première image détaillée d'un système planétaire en formation. Un exploit technique d'autant plus remarquable que l'instrument, qui sera inauguré au mois de mars 2013, fonctionne actuellement à environ 25 % de ses capacités réelles...
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La photographie, à première vue, n'est guère impressionnante. Un anneau lumineux et flou, se détachant sur le fond noir du ciel... Pourtant, cette image, prise par le réseau interférométrique Alma , (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array ) est de très loin la plus précise jamais obtenue de l'étoile HD 142527 . Et l'étoile HD 142527, située dans la constellation australe du Loup, est l'une des plus jeunes que nous connaissions dans notre galaxie, la Voie lactée.
En clair, ce que nous voyons là, c'est la naissance d'un système planétaire autour de son étoile. HD 142527 se trouve à environ 450 années-lumière de la Terre. Âgée de seulement un million d'années, cette étoile encore en gestation, environ 2,5 fois plus massive que le Soleil, n'a pas encore enclenché en son cœur les réactions thermonucléaires : c'est son progressif effondrement sur elle-même, à partir du gaz emprunté jadis à une nébuleuse, qui la chauffe actuellement et la fait briller. Les astronomes s'intéressent à cet astre depuis qu'ils ont découvert sa très forte émission infrarouge, il y a une vingtaine d'années. En effet, autour de l'étoile naissante se trouve un disque de gaz et de poussières, chauffé, si l'on peut dire, à environ -190 °C. Les astronomes savent que c'est dans de tels disques que se forment les planètes, pratiquement en même temps que leur future étoile. Sauf que jusqu'ici, les naissances d'étoiles et de planètes étaient quasiment inobservables, faute d'instruments capables d'enregistrer avec suffisamment de précision la lumière infrarouge qu'elles émettent essentiellement. Dans le domaine optique – la lumière visible perçue par nos yeux – soit la gestation des étoiles est cachée par des nuées interstellaires, soit, si celles-ci sont suffisamment dissipées, l'étoile à naître est tellement lumineuse qu'elle éclipse son environnement...
La mise en service progressive du réseau interférométrique international Alma , qui observe dans les domaines sub-millimétrique et millimétrique, c'est à dire entre l'infrarouge et le rayonnement radio, bouleverse complètement les canons actuels de l'observation astronomique. En effet, ce véritable " ovni " technologique, presque cent fois plus performant que les instruments qui l'ont précédé dans ce domaine de longueur d'onde, commence à porter un regard radicalement neuf sur tous les astres de l'Univers...
Mais revenons à l'image de HD 142527 prise par Alma... Elle montre le disque de gaz et de poussières qui tourne autour de l'étoile naissante : celui-ci apparaît en rouge, en vert et en bleu, sur l'image. En rouge : les poussières, essentiellement. En vert : le gaz. Au centre de l'image, en blanc, se situe l'étoile naissante, actuellement noyée dans le disque interne de gaz et de poussières. Enfin, le halo bleu représente des nuées gazeuses ténues.
Mais ce n'est pas tout : ce que nous montre l'image prise par l'équipe internationale de Simon Casassus, Gerrit van der Plas, Sebastian Perez, William Dent, Ed Fomalont, Janis Hagelberg et leurs collaborateurs, c'est surtout que le disque protoplanétaire de HD 142527 est presque vide de matière dans sa partie centrale ! La raison ? Une ou des planètes géantes sont en train de se former autour de HD 142527 et elles ont commencé à accréter la matière du disque à leur profit. Ces planètes, nous expliquent les astronomes, ne sont pas encore visibles, car elles sont elles-mêmes noyées dans le gaz et la poussière qu'elles condensent actuellement. Cette image exceptionnelle prise par Alma n'est pas facile à " lire ", surtout quand on la compare aux magnifiques portraits cosmiques peints, par exemple, par le télescope spatial Hubble. Pour l'apprécier à sa juste valeur, il faut comprendre son échelle, et les conditions dans lesquelles elle a été prise. Ses couleurs, d'abord : elles sont arbitraires, bien, sûr, puisque Alma "voit " en infrarouge et en millimétrique. Ici, ces fausses couleurs ont été créées à partir de trois longueurs d'onde : 840, 866 et 870 micromètres. Nous sommes à la frontière de l'infrarouge et du rayonnement millimétrique, puisque, bien sûr, 870 micromètre, cela équivaut à... 0,87 millimètre. Pour mémoire, l'œil humain est sensible entre 0,4 et 0,7 micromètre, une longueur d'onde plus de mille fois plus petite. Corollaire à cette différence énorme de longueur d'onde, l'instrument d'observation doit être immense pour résoudre, c'est-à-dire détailler les astres observés.
Ici, Alma a été utilisé avec seulement 16 antennes de 12 mètres de diamètre , éloignées, pour les plus distantes, de 400 mètres ! La résolution de l'interféromètre atteint dans cette configuration 0,55 x 0,33 seconde d'arc : c'est la finesse de détail visible sur l'image. Une telle qualité se situe entre le télescope spatial Hubble et les télescopes géants de 8 à 10 mètres de diamètre des grands observatoires. A une telle longueur d'onde d'observation, c'est une prouesse. Et ce n'est que le commencement de l'histoire puisque, à terme, Alma comptera une soixantaine d'antennes, distribuées sur une quinzaine de kilomètres ! En clair, les futures images de HD 142527 seront dix fois plus précises que celle-ci !
Mais un angle de 0,3 seconde d'arc, cela ne parle pas à un certain nombre de nos lecteurs : sur la Lune, par exemple, cela représente environ 500 mètres. Et dans le système de HD 142527 ? Celui-ci, rappelons-le, se situe à 450 années-lumière.A cette distance, 0,3 seconde d'arc représente environ six milliards de kilomètres. Quant au diamètre du disque protoplanétaire qui entoure l'étoile naissante, il mesure environ 60 milliards de kilomètres, soit un peu plus de deux jours-lumière. En Mars 2013, l'interféromètre Alma sera inauguré officiellement, ses dizaines d'antennes sont déjà orientées vers le système de HD 142527 pour de nouvelles observations. Gageons que ses premières planètes seront vite découvertes.
Serge Brunier
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