Violents affrontements entre le Pakistan et l'Afghanistan, sous le regard de l'Inde

Des affrontements ont éclaté en fin de semaine dernière à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, faisant des dizaines de morts et alimentant la tension entre les deux pays. Des violences liées à la présence de groupes terroristes des deux côtés de la frontière, et qui interviennent alors que l'Inde multiplie les rapprochements avec Kaboul ces derniers mois.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Torkham, ville frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan, le 13 octobre 2025 (photo d'illustration). (ABDUL MAJEED / AFP)
Torkham, ville frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan, le 13 octobre 2025 (photo d'illustration). (ABDUL MAJEED / AFP)

La zone est montagneuse, difficile d'accès, et traditionnellement habitée par des tribus de la communauté pachtoune, séparée depuis plus d'un siècle par le tracé de la "ligne Durand" qui marque la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. C'est dans cette région, théâtre de tensions fréquentes, que des affrontements violents ont éclaté en fin de semaine dernière.

Les bilans sont difficiles à établir, mais se comptent en dizaines de morts, voire plus, selon les autorités des deux pays, qui se rejettent la responsabilité des hostilités. Tout a commencé quand des explosions ont retenti à Kaboul, au moment où la planète avait les yeux rivés sur le Proche-Orient. Le régime taliban a rapidement accusé son voisin, et dit avoir ensuite riposté à des raids aériens de l'armée pakistanaise le long de la frontière. Islamabad assure, de son côté, avoir défendu son intégrité territoriale, et revendique la mort d'au moins 200 talibans dans ses opérations.

Des groupes terroristes ennemis de chaque côté de la frontière

Des versions divergentes, mais une tension croissante le long d'une frontière de plusieurs centaines de kilomètres, où chaque pays accuse son voisin d'héberger des groupes terroristes. Les nouveaux maîtres de Kaboul abritent sur leur sol des talibans pakistanais, qui se revendiquent de la même idéologie, et qui, depuis le retour au pouvoir de leurs frères d'armes, multiplient les attaques et les attentats de l'autre côté de la frontière. Le Pakistan où des combattants de la branche régionale de l’État islamique, hostiles aux talibans, ont eux trouvé refuge, mènent également des attaques régulières. Une situation assez complexe, mais qui contribue à transformer la zone, déjà historiquement disputée, en véritable poudrière. On parle ici de centaines d'opérations terroristes depuis 2021, et d'un bilan, effarant, d'au moins 5 000 victimes ces deux dernières années.

Derrière ces tensions, un affrontement plus large entre les deux frères ennemis de la région : l'Inde et le Pakistan. L’antagonisme des deux pays est historique, et une guerre éclair a même opposé les deux puissances nucléaires au printemps dernier. Or, New Dehli multiplie ces derniers mois les rapprochements avec le régime taliban, qui bénéficie de la bienveillance de Narendra Modi, au point de voir le dirigeant indien envisager de rouvrir une ambassade à Kaboul, ce que seule la Russie a fait jusqu'ici.

Ces affrontements ont d'ailleurs éclaté au lendemain de la première visite en Inde du ministre taliban des Affaires étrangères. Le rapprochement inquiète le Pakistan, potentiellement pris en tenaille par ses deux voisins, mais c'est une aubaine pour le régime taliban, qui cherche à sortir de son isolement international, tout en continuant à resserrer l'étau sur sa population, et en particulier sur les femmes. Dernière lubie du régime : couper internet et les téléphones mobiles à plusieurs reprises depuis la rentrée, pour "prévenir le vice", et fermer la moindre fenêtre sur le monde.

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