Procès : Salman Rushdie face à l'homme accusé d'avoir tenté de le tuer, un agresseur aux motivations floues

L'auteur des "Versets sataniques" a perdu un œil et frôlé la mort en août 2022, touché par une dizaine de coups de couteau. Le procès de son agresseur présumé s'est ouvert cette semaine, et l'écrivain s'est présenté à la barre mardi.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'Américano-Libanais Hadi Matar accusé d'avoir tenté de tuer l'auteur, au tribunal dans le comté de Chautauqua, Mayville, États-Unis, le 11 février 2025. (GUILLERMO AZ?BAL / EFE)
L'Américano-Libanais Hadi Matar accusé d'avoir tenté de tuer l'auteur, au tribunal dans le comté de Chautauqua, Mayville, États-Unis, le 11 février 2025. (GUILLERMO AZ?BAL / EFE)

Il s'est présenté à la barre, mardi 11 février, l'œil droit dissimulé derrière un verre teinté, sa nouvelle apparence depuis son agression qui a failli lui coûter la vie. Salman Rushdie se remémore, devant un tribunal de l'état de New York, l'attaque à laquelle il a survécu après des semaines d'hospitalisation. "Il m'est venu à l'esprit que j'allais mourir", a prononcé Salman Rushdie.

Ce jour d'août 2022, l'auteur des Versets sataniques donnait une conférence sur la liberté d'expression, comme il en avait l'habitude depuis plus de 30 ans, depuis cette fatwa lancée contre lui par l'ayatollah Khomeiny. Près d'un millier de personnes l'écoutaient attentivement, quand un homme s'est précipité sur lui, et lui a assené de violents coups de couteau, le touchant au cou, à l'abdomen, et lui perforant l'œil droit.

À la barre, l'écrivain raconte avoir "hurlé de douleur", décrit aux jurés le "regard noir" de l'agresseur et sa détermination. Son traumatisme, il a dû s'en débarrasser en l'écrivant, dans un livre intitulé Le Couteau, où il détaille la violence de cette agression, et le long chemin de la guérison.

Un agresseur dont on sait peu de choses

En venant témoigner à la barre, Salman Rushdie recroisait pour la première fois son agresseur, assis à quelques mètres de lui. De ce jeune homme de moins de 30 ans, on ne sait finalement pas grand-chose. Tout juste a-t-il confié, depuis sa cellule à un tabloïd américain, sa "surprise" d'avoir vu Salman Rushdie survivre à son attaque. Il avait alors expliqué qu'il reprochait à l'auteur d'avoir "attaqué l'islam". Il encourt au moins 25 ans de prison.

Né bien après la sortie des Versets sataniques en 1988, il a passé une enfance aux États-Unis. Puis Hadi Matar revient, selon sa mère, "changé" d'un voyage au Liban, dont il possède aussi la nationalité. C'est d'ailleurs pour "terrorisme au nom du Hezbollah" que la justice américaine a mené ses poursuites, sans pour autant trouver de traces d'une coopération avec la milice chiite. L'enquête n'a pas non plus établi de liens avec l'Iran, qui avait nié toute implication dans l'agression. À l'ouverture de son procès, lundi 10 février, Hadi Matar s'est contenté de scander "Palestine libre" dans la salle d'audience.

S'il a perdu un œil, Salman Rushdie, lui, a gardé sa malice et son esprit de résistance. Icône mondiale de la liberté d'expression, l'écrivain avait goûté à la liberté de mouvement après des années de clandestinité. Son agression l'a douloureusement ramené à son statut de cible des extrémistes. De son expérience, il conserve une profonde méfiance. Il regrette le recul de la liberté d'offenser, mais profite aussi du sentiment d'avoir une seconde chance après avoir flirté avec la mort, ce qu'il appelle une "vie de rattrapage".

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