Présidentielle au Cameroun : Paul Biya vers un huitième mandat ?

La candidature de son principal opposant a été rejetée mardi par le Conseil constitutionnel. Au pouvoir depuis 43 ans, Paul Biya est bien parti, à 92 ans, pour être réélu.

Article rédigé par Valérie Crova
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le président camerounais, Paul Biya, le 26 juillet 2025.. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Le président camerounais, Paul Biya, le 26 juillet 2025.. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le Conseil constitutionnel du Cameroun a définitivement rejeté mardi 5 août la candidature à l'élection présidentielle du 12 octobre de Maurice Kamto, principal opposant au président Paul Biya. Le Conseil a en revanche validé les candidatures de deux autres opposants historiques, Cabral Libii, du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), et Joshua Osih du Social Democratic Front (SDF). Au total douze candidats brigueront la magistrature suprême.

Il y aura donc bien d’autres candidats en face du "Sphinx", surnom donné à Paul Biya, mais l’opposition camerounaise est tellement divisée que les chances de voir émerger un candidat unique sont minces. Ce serait pourtant la seule option pour une alternance par les urnes. Une candidature unique qui fédérerait tous les mécontents, en particulier les jeunes Camerounais avides de changement. Au Cameroun, 60% de la population a moins de 25 ans. Or, le taux de chômage des jeunes est supérieur à 70%. Lors du précédent scrutin en 2018, Maurice Kamto avait pu se présenter. Il était arrivé deuxième avec 14% des voix face à Paul Biya. C’est peu mais sa candidature avait suscité de l’espoir dans ce pays miné par la corruption.

Une gérontocratie et un système bien verrouillé

Paul Biya est au pouvoir depuis 43 ans. Il a aujourd'hui 92 ans et est le doyen des chefs d'État africain. La longévité de son système s'explique d'abord parce que le nonagénaire s’est entouré de fidèles qui ont une très longue l’expérience si on veut jouer l’ironie : le président du Sénat, deuxième personnage de l’État, aura bientôt 91 an, le président de l’Assemblée nationale, 85 ans et le chef d’état-major des armées, 86 ans. C’est une gérontocratie. Paul Biya, que l’on dit malade depuis des années, gouverne la plupart du temps depuis son village natal, situé à 180 kilomètres de la capitale Yaoundé, tel un monarque dans son royaume. Il fait venir ses conseillers, ses ministres, ses officiers. Rares sont ceux qui osent le défier ouvertement. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir qu’il préside, n’a pas tenu de congrès depuis quatorze ans. Il dispose aussi de ressources financières importantes ce qui lui permet de distribuer des francs CFA pour faire venir du monde lors de ses meetings.

Un système verrouillé qui fonctionne sur la loyauté au chef mais pas seulement. Le vieux président assure aussi un contrôle de la population via l’appareil de renseignement qui lui fournit des comptes rendus réguliers. Les opposants sont surveillés quand ils ne sont pas emprisonnés. L’armée est délaissée au profit de la Garde présidentielle et du Bataillon d’intervention rapide qui sont directement rattachés à la présidence. Ces deux corps sont les mieux équipés, les mieux formés et leurs membres les mieux payés. L’administration, la justice, l’éducation ou encore la santé sont des instruments de gestion clientéliste. À moins de trois mois de la présidentielle, Paul Biya a procédé à la nomination de nombreux sous-préfets dans les régions administratives. Le système qu'il a mis en place lui a permis de rester au pouvoir depuis 1992.

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