Justice sous-financée, tribunaux vétustes, effectifs insuffisants... Les magistrats belges au bord de la crise de nerfs

Habituellement très discrets, ils ont décidé  de médiatiser leur combat. Les procureurs du roi ont pris la plume pour faire part au gouvernement de leur épuisement.

Article rédigé par Fabien Cazeaux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Les bureaux du procureur du roi à Bruxelles, le 28 janvier 2025 (HATIM KAGHAT / BELGA MAG)
Les bureaux du procureur du roi à Bruxelles, le 28 janvier 2025 (HATIM KAGHAT / BELGA MAG)

Cela fait plusieurs mois qu’ils rongeaient leur frein, en attendant d’avoir un gouvernement à qui s’adresser : c'est chose faite depuis février. Les chefs de quinze parquets de Belgique lui ont envoyé une lettre ouverte début juin. C'est une première pour ces magistrats habituellement très discrets. "La justice est épuisée, il est temps d'agir", peut-on lire en conclusion d’une longue énumération des problèmes auxquelles l’institution fait face. Manque de magistrats, bâtiments délabrés, numérisation qui traîne, peines non exécutées faute de place dans les lieux de détention… La situation est jugée alarmante, et cette situation fait consensus entre Flamands et Wallons. Le constat dépasse les clivages traditionnels en Belgique.

Une opération "tribunal mort" avait même été organisée dans la ville francophone de Nivelles, en début d’année, où des moisissures potentiellement toxiques avaient été repérées aux archives du sous-sol, symbole d’un sous-investissement chronique dans les locaux, et dans les métiers de la Justice. Les magistrats plaident bien sûr pour eux-mêmes, mais aussi pour tous les métiers sans lesquels la Justice ne peut fonctionner : juristes, criminologues, ou même assistants administratifs dont les procureurs disent manquer cruellement.

Des moyens insuffisants face à des besoins grandissants 

Ces dernières années, le nombre d'affaires liées au trafic de drogue a explosé en Belgique. Le démantèlement de filières internationales passe souvent par le pays, on l'a encore vu l'an dernier avec le procès Encro, du nom d’une messagerie sur lequel un vaste réseau de narcotrafiquants avait pu être repéré. Plus de 120 prévenus d’une dizaine de nationalités différentes.

Il y a aussi, au niveau des parquets belges, de plus en plus d'affaires de violences familiales, voire de trafics d'êtres humains. En tout, la Belgique dépense 0,22% de sa richesse nationale au financement de sa Justice. C'est très peu, et les magistrats belges sentent bien que la priorité risque d'être mise ailleurs dans les prochaines années : en particulier sur l'effort de défense, que la Belgique souhaite porter de 1,3% du produit intérieur Brut à 2% dans un premier temps puis, à terme, à 5%. Les magistrats lorgnent jalousement sur ces budgets en pleine expansion, et le font savoir notamment en reportant les audiences non urgentes en signe de protestation contre leurs conditions de travail.

Ils menacent de prolonger ce mouvement de grogne s'ils estiment ne pas être entendus par le gouvernement belge.

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