Finances publiques : un scénario "à la grecque" est-il envisageable en France ?

Régulièrement évoquée, y compris par François Bayrou, pour alerter sur la situation financière de la France, la comparaison de nos comptes publics avec la crise connue par la Grèce à partir de 2009 touche rapidement ses limites. Explications.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'inscription "Nein", "Non" sur la rue Pireos, en écho aux mesures mises en place pour lutter contre la crise finacnière grecque, à Athènes, le 30 juin 2015 (STEFANIA MIZARA / LE PICTORIUM / MAXPPP)
L'inscription "Nein", "Non" sur la rue Pireos, en écho aux mesures mises en place pour lutter contre la crise finacnière grecque, à Athènes, le 30 juin 2015 (STEFANIA MIZARA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

C'est une référence qui fait office d'épouvantail. Parler de la Grèce pour évoquer la situation des comptes publics, c'est renvoyer aux souvenirs douloureux de la crise qui a frappé le pays à partir de 2009, occasionnant trois grands plans d'austérité jusqu'en 2015, avec le spectre permanent à l'époque d'une sortie de la zone euro.

De quoi marquer les esprits, comme ce fut le cas, mi-août, quand les taux à 10 ans de la dette française ont dépassé ceux de la Grèce, qui est donc devenue un emprunteur "plus sûr" sur les marchés. Un exemple dont François Bayrou n'a pas manqué de s'emparer pour alerter, ou dramatiser, la situation financière du pays, et l'urgence d'appliquer ses recettes drastiques pour y remédier, dans une vidéo publiée mardi 5 août sur YouTube.

Le déficit public de la Grèce dépassait les 15% du PIB en 2010

Le symbole fait mouche, mais la comparaison est pourtant excessive aujourd'hui. Regardons d'abord, pour juger de sa pertinence, les principaux indicateurs économiques. Si l'on parle du déficit public, qui flirte avec les 6% du PIB en France, il faut se souvenir qu'il dépassait les 15% des richesses produites en Grece en 2010. Concernant la dette publique, estimée à 114% du PIB en France, on retrouve des chiffres assez proches de ce qu'a connu Athènes à l'époque, mais avec une situation bien différente vis-à-vis des marchés. Le gouvernement grec avait reconnu que les comptes publics avaient été maquillés, la confiance était au plus bas, et cette dette s'était rapidement envolée, jusqu'à dépasser les 200% du PIB...

Impossible également de mettre sur le même plan la structure et la solidité des deux économies. La Grèce avait notamment un énorme problème de prélèvement des impôts, la corruption y était largement répandue, l'économie souterraine prenait une place importante - sans faire entrer d'argent dans les caisses de l'État - et la Grèce s'endettait auprès de créanciers étrangers, sans pouvoir compter sur de nouvelles recettes, ni sur l'épargne de sa population. La France, en plus d'avoir une activité plus variée et plus forte, et un potentiel de prélèvement, dispose, par exemple, d'une épargne intérieure considérable : près de 6 000 milliards d'euros dorment dans les coffres, soit le double de notre dette, ce qui peut inquiéter les épargnants, mais qui a tendance à rassurer les investisseurs.

Quelque 15 ans après le début de cette crise, et 10 ans après le lancement du dernier plan d'austérité dans le pays, l'économie grecque s'est redressée, mais la dette du pays reste la plus importante de la zone euro, et le traumatisme des cures d'austérité successives a laissé des traces. Après avoir vu les salaires ou les pensions chuter brutalement à l'époque, les mesures drastiques mises en place pour redresser les comptes pèsent encore sur la vie quotidienne, avec des prélèvements importants, moins de protection sociale, et toujours plus d'un quart de la population exposée à la pauvreté.

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