"À quoi sert l'Islande ?" : les relations entre les Européens et Donald Trump au cœur d'un livre de l'ancien secrétaire général de l'Otan
Jens Stoltenberg a présidé aux destinées de l'Otan de 2014 à 2024. Il publie le récit de cette décennie dans un livre intitulé "Vigie du Monde" qui paraît mercredi prochain chez Flammarion, et qui relate notamment les critiques à l'encontre de l'Alliance atlantique.
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Au détour des pages, Jens Stoltenberg détaille les attaques portées par Donald Trump. Les piques contre ses partenaires au sein de l'Otan commencent dès son premier mandat en 2017. Les Européens ne paient pas assez, s'insurgeait déjà alors le président américain. "Trump parlait de ces sommes comme s'il s'agissait de cotisations dont chaque pays devait s'acquitter pour faire partie de l'Otan ! Alors qu'il s'agit des dépenses militaires que chaque pays a décidé de consacrer à sa propre défense", note Jen Stoltenberg.
En avril 2017, Stoltenberg rencontre pour la première fois le président américain dans le bureau ovale. Il arrive avec ses graphiques montrant la hausse des dépenses militaires en Europe. Et reconnaît avoir parlé "d'effet Trump" en lui présentant ces courbes. Une expression qui a tellement plu à l'intéressé qu'il l'a reprise à son compte. Et pourtant, commente Jens Stoltenberg, le mouvement d'augmentation des dépenses avait commencé avant son arrivée au pouvoir.
Lors de son exposé, le patron de l'Alliance explique aussi que l'Islande n'a pas d'armée et ne pourra jamais consacrer 2 % de son Produit intérieur brut à la défense. "Alors à quoi nous sert l'Islande ?", demande Trump. Réponse du secrétaire d'Etat à la Défense James Mattis, qui vole alors au secours du patron de l'Otan : les bases en Islande sont "très utiles pour traquer les sous-marins russes." Réponse de Trump, qui réfléchit un instant : "Eh bien dans ce cas on va garder l'Islande dans l'Alliance."
La menace du retrait américain
Les mois qui suivent, Trump continue de souffler le chaud et le froid et le retrait américain de l'Otan reste une menace. Stoltenberg raconte plusieurs épisodes, et notamment le sommet de l'Otan, en juillet 2018 à Bruxelles, où "nous avons frôlé la rupture", écrit-il. Trump y fait part de son mécontentement : "Les Etats-Unis n'ont pas besoin de l'Otan, pourquoi devrais-je continuer à payer pour cette organisation si je n'en ai pas besoin ?" Et d'énumérer les contributions en pourcentage du PIB, "comme s'il annonçait les résultats de l'Eurovision", commente Stoltenberg (la cible est alors d'atteindre 2 % du PIB) : "Croatie, oh je suis tellement déçu, je n'y crois pas : 1,26% ? vous devez vous sentir minable ! France : 1,79%, pas mal, Emmanuel, pas mal pour toi. Tu n'es pas président depuis assez longtemps, ça va sûrement dégringoler. Allemagne, 1,2% allez Angela, enfin !"
Un peu plus tard, il rédige sur un bout de papier un mot qu'il remet au secrétaire général de l'Otan : "Si vous pouvez dire que les alliés de l'Otan ont augmenté leurs dépenses de défense de manière significative grâce à moi, alors je pense que nous pouvons parvenir à un accord". Stoltenberg s'exécute. À l'arrivée, pas de nouveaux engagements mais un président américain satisfait et qui ne fait finalement pas d'esclandre.
"Les Européens doivent investir d'avantage dans leur défense"
Plus de sept ans après cet épisode, Stoltenberg alerte, en conclusion de son livre, sur la possibilité d'un retrait américain. "Il faut se préparer à un éventuel retrait partiel des forces américaines d'Europe", dit celui qui est aujourd'hui ministre des Finances dans son pays, la Norvège. Et d'ajouter : "Quelle que soit la position des Etats-Unis, il est à la fois juste et nécessaire que les Européens investissent d'avantage dans leur défense". Rappelons que les Etats-Unis représentent aujourd'hui 70% des dépenses militaires de l'Otan. L'article 5, qui garantit la solidarité entre membres de l'Otan, repose donc sur leur force militaire.
En juin dernier, les pays de l'Otan se sont engagés à allouer d'ici 2035 au moins 3,5% de leur PIB à leurs dépenses militaires et 1,5% supplémentaire à la sécurité au sens large. Cette semaine, Trump s'est d'ailleurs rappelé au bon souvenir du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui avait jugé "déraisonnable" cet objectif de 5%. Devant le président finlandais Alexander Stubb qu'il recevait dans le bureau ovale le 9 octobre, il a ainsi déclaré : "Nous avions un retardataire : c'est l'Espagne. Ils n'ont aucune excuse pour ne pas le faire mais ce n'est pas grave. Franchement vous devriez peut-être les exclure de l'Otan !"
Sur ce sujet, contrairement à d'autres (comme les droits de douane), le discours de Trump ne varie pas.
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