L'obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur : où commence-t-elle, où s'arrête-t-elle ?

Peut-on licencier un manager sportif qui fait l'éloge de la salle de sport concurrente sur les réseaux sociaux ? La réponse n'est pas simple.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Le salarié d'une salle de sport qui fait de la publicité pour une salle concurrente peut-il être licencié ? (MILENA MAGAZIN / E+ / GETTY IMAGES)
Le salarié d'une salle de sport qui fait de la publicité pour une salle concurrente peut-il être licencié ? (MILENA MAGAZIN / E+ / GETTY IMAGES)

Les faits remontent à 2020. Un manager sportif, embauché 4 ans plus tôt dans une salle de sport Fitness Park, à Evreux, en Normandie, est licencié pour faute grave. Son employeur lui reproche d'avoir été déloyal à son égard.

Le salarié conteste, et saisit le conseil des prud'hommes. À la barre du tribunal, l'employeur explique que pendant son jour de repos, le salarié s'est rendu dans une salle de sport concurrente, il a diffusé sa séance d'entraînement sur son compte Instagram et, cerise sur le gâteau, il a ajouté des commentaires forts élogieux sur la qualité du matériel mis à disposition.

Pour la direction, cela justifie la faute grave, et la fin du contrat, sans préavis ni indemnité. Les prud'hommes coupent la poire en deux. Le licenciement pour faute grave est déqualifié en cause réelle et sérieuse

L'employeur s'obstine et saisit la cour d'appel de Rouen

Deux ans plus tard, la cour d'appel donne raison à l'employeur. Elle requalifie le licenciement en faute grave. Elle relève que sur la story Instagram, le manager sportif comme le logo de la salle concurrente étaient parfaitement reconnaissables et cela a provoqué des dommages collatéraux pour l'employeur.

Des clients de Fitness Park ont visionné la vidéo et ont résilié leur abonnement. Par son comportement, le salarié a gravement manqué à son obligation de loyauté. Mais ce dernier ne se laisse pas démonter. Il saisit la plus haute juridiction, la Cour de cassation.

La Cour de cassation siffle la fin de partie

"Et là, c'est l'ascenseur émotionnel juridique" estime David Guillouet, associé chez Voltaire Avocats. En février dernier, la Cour de cassation déboute l'employeur et donne raison au salarié. Elle pose le principe qu'un salarié qui fait du sport, sur son temps libre, dans une salle concurrente, et qui diffuse des images de son entraînement sur un réseau social, cela relève de la vie personnelle. Il n'y a donc pas de manquement à l'obligation de loyauté, résume l'avocat.

Cet arrêt vient renforcer un peu plus l'abondante jurisprudence sur la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle. Il pose néanmoins la question des limites. Que peut dire un salarié sur les réseaux sociaux quand il affiche son appartenance à son entreprise ? Quelle est sa responsabilité ? Les débats sont loin d'être terminés.

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