Gouvernement de Sébastien Lecornu : "C'est un gouvernement qui est de droite, un gouvernement de recyclage", déplore Aurélien Rousseau, élu Place publique et ancien ministre

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Invité politique de "La matinale" lundi 6 octobre, Aurélien Rousseau, député Place publique des Yvelines et ancien ministre de la Santé sous Élisabeth Borne, réagit à la nomination, dimanche, du gouvernement de Sébastien Lecornu. Une équipe qui, selon lui, "aurait pu être de droite classique".

Sébastien Lecornu a nommé son gouvernement dans la soirée du dimanche 5 octobre, après des semaines d'attente. Une équipe caractérisée par de nombreuses reconductions de ministres des précédents gouvernements, mais aussi des retours, qui suscitent une levée de boucliers dans les rangs de l'opposition. Bruno Retailleau, reconduit à Beauvau, s'est lui-même dit insatisfait de cette copie. Pour en parler, Aurélien Rousseau, ancien ministre de la Santé dans le gouvernement d'Élisabeth Borne, désormais député Place publique des Yvelines, est l'invité politique de Cyril Adriaens-Allemand dans la "Matinale" du lundi 6 octobre.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Cyril Adriaens-Allemand : On connaît donc depuis hier la composition du gouvernement Lecornu, mais le risque est grand de voir ce gouvernement s'autodissoudre à peine LR rentré. Est-ce que vous comprenez la réaction de Bruno Retailleau qui dit : 'J'ai été floué' ?

Aurélien Rousseau : Il y a un petit côté dérisoire dans tout ce dont on parle là. Enfin, Bruno Retailleau qui est floué, il est ministre d'État, il était ministre sortant, il a passé 1h40 avec le Premier ministre... On a l'impression d'être un peu dans le film Festen. Ils se déchirent devant nous, mais pendant ce temps, le monde avance. À Gaza, en Ukraine, il y a des sujets majeurs pour le pays et donc, on ne comprend pas, et on ne sait surtout pas ce que cette liste de noms voudrait faire comme politique. Où sont les ruptures ?

Vous avez été directeur de cabinet à Matignon sous Élisabeth Borne. Vous savez ce que c'est qu'un remaniement, les coulisses, les tractations. Est-il possible d'être floué comme ça alors qu'on a passé une heure et demie dans un bureau à quelques minutes de l'annonce d'un gouvernement ?

Je ne suis pas commentateur et je n'étais pas dans les coulisses, mais ça ressemble quand même un tout petit peu à un accident industriel puisque, évidemment, quand on rentre dans un gouvernement, d'abord, normalement, on demande quelle est la politique qui va être mise en œuvre. Je ne sais pas s'ils ont posé la question. Hier soir, c'était le bal de tous ceux qui découvraient à quel point le compte n'y était pas. Et puis de l'autre, on dit avec qui on va faire ça. Là, manifestement, en 1h40, comme on le disait tout à l'heure dans le bureau du Premier ministre, Bruno Retailleau n'a pas pensé à poser ces questions.

Plus largement, ce gouvernement, dans sa composition, vous le qualifiez comment ? De droite, certains disent qu'on compte 12 membres sur 18 qui sont de la droite ou issus de la droite, avec Renaissance ?

C'est un gouvernement qui est de droite, c'est indéniable. C'est un gouvernement de recyclage. Et puis surtout, c'est un gouvernement où je serais bien en peine de dire : 'Voilà ce qu'ils veulent faire'. Il y a 15 jours, le Premier ministre nous annonce des ruptures, le mot est choisi à dessein là pour le coup, des ruptures sur la forme et sur le fond. Aujourd'hui, on a un gouvernement qui aurait pu être un gouvernement de droite classique, si je puis dire. Et puis surtout, c'est ça qui me préoccupe, à la veille d'un discours de politique générale, on ne sait pas quelles sont les ruptures dans son texte très général avec le socle commun. Le Premier ministre évoque la justice fiscale, mais rien de concret. On veut savoir, on veut du concret.

"Bruno Le Maire, il a été ministre depuis le premier jour, il incarne la continuité"

Il y a un homme qui est l'objet de tous les commentaires depuis hier, c'est Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, qui fait son retour aux affaires. Est-ce que vous aussi vous dites que c'est "l'homme des mille milliards de dettes" ?

Je n'ai pas l'habitude de qualifier les gens avec un slogan comme ça. Je pense que le pays est dans une situation extrêmement grave. Ceux qui acceptent de le servir...

Ça vous pose problème qu'il revienne ?

Il avait juré qu'il ne reviendrait pas. Il y a déjà ce point-là. Et puis oui, il a incarné... ce qui aujourd'hui est très largement remis en cause. Notamment cette politique qui était une politique de soutien aux entreprises, mais qui est devenue une politique rageuse de soutien aux plus fortunés. Ça n'est pas la même chose. Et c'est pour ça que je n'emploie pas ce terme de "mille milliards de dettes". Dans ça, évidemment, il y a le Covid, il y a le quoi qu'il en coûte, mais il y a des décisions qui auraient dû être prises plus tôt pour maîtriser, pour être lucide sur la situation, elles n'ont pas été prises. Et puis surtout, Bruno Le Maire, il a été ministre depuis le premier jour du quinquennat d"Emmanuel Macron, il incarne la continuité. Donc en fait, si rupture égale retour de Bruno Le Maire, je comprends qu'il y a problème. Après, que les LR aient un problème avec un ex de chez eux qui rentre, ça, ça fait plutôt discussion de famille.

Aurélien Rousseau, demain, discours de politique générale du Premier ministre Lecornu. Le gauche dit : 'On va sans doute déposer une motion de censure'. Si elle est déposée sur la table, est-ce que vous, député Place publique, vous la voterez ?

D'abord, et je vais évidemment répondre à votre question, on est dans un moment de gravité. Ça pourrait être un sketch. Ce serait moyennement drôle, mais ça pourrait être un sketch, mais on parle du pays, du pays dans un moment où le monde ne va pas bien. Moi, j'ai encore un espoir, je le dis, alors peut-être naïf, peut-être même ridicule, j'ai encore un espoir, c'est qu'aujourd'hui, sur des points essentiels : justice fiscale, mise en œuvre, suspension, mesure... Je ne sais pas, un peu d'imagination sur la réforme des retraites, il y ait des signes qui soient donnés et pas qu'aux partis politiques.

Aujourd'hui, vous ne dites pas : 'Je vote la censure', dans tous les cas ?

Aujourd'hui, j'attends de voir si Sébastien Lecornu met sur la table des termes d'une rupture. Quand on discute avec lui, j'étais avec Raphaël Glucksmann et Aurore Lalucq dans son bureau, il semble faire un diagnostic juste. Il annonçait précisément avoir entendu ce que disait la gauche. Bon, il a encore quelques heures pour faire ça, mais oui, la balance penche vers une censure. Pourtant, moi, une censure a priori à l'étape d'une déclaration de politique générale, ce n'est pas... Je ne suis pas enthousiaste pour le faire, parce qu'encore une fois, on est dans un moment grave.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

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