: Vidéos "Petite main", homme de confiance, chef de réseau... Dans "Envoyé spécial", des passeurs décrivent comment ils organisent les traversées de migrants vers l'Angleterre
Pendant que ses hommes recrutent des passagers, le chef de réseau gère le trafic à distance. Plusieurs membres d'un réseau de passeurs qui organisent les traversées illégales de la Côte d'Opale vers l'Angleterre confient leurs méthodes. Des témoignages exceptionnels, extraits d'un document à voir dans "Envoyé spécial" le 2 novembre 2023.
Sur la Côte d'Opale, ce sont quelques kilomètres de plage qui valent de l'or. Ici, chaque année, des dizaines de milliers de personnes risquent leur vie pour traverser la Manche illégalement. Pendant sept ans, Julien Goudichaud a enquêté sur cette dernière frontière avant l'Angleterre.
Dans la jungle de Calais, le journaliste a rencontré des exilés, et aussi des passeurs qui lui ont confié leurs méthodes et décrit leur business. Leurs témoignages, extraits d'un document diffusé dans "Envoyé spécial" le 2 novembre 2023, mettent au jour l'organisation de ce trafic d'êtres humains.
Le chef du réseau achète sur internet des Zodiac fabriqués en Chine
Dans les dunes, le long de la côte, des emballages de Zodiac. Ces bateaux ont été achetés sur internet, en Chine. Julien Goudichaud a pu contacter, par téléphone, l'un de ceux qui les commandaient, et qui se trouve aujourd'hui au Royaume-Uni. A la tête d'un réseau de passeurs, il organisait à distance leur livraison sur une plage du Pas-de-Calais, d'où ils partaient vers l'Angleterre.
"Certaines plages sont aux mains des Iraniens, d'autres appartiennent aux Kurdes, et chacun doit respecter son territoire. Sinon, il y a des affrontements."
Sans jamais voir aucun passager, il aurait envoyé une soixantaine de ces bateaux, selon lui, avant d'arrêter cette activité il y a plus d'un an. L'argent était versé directement sur son compte dans son pays, en Iran, précise-t-il, sans vouloir révéler combien ces traversées lui ont rapporté.
Son "homme de confiance" recrute les passagers dans la jungle de Calais
Shervin (le prénom a été modifié) est iranien, il travaille pour l'un des principaux passeurs du Nord-Pas-de-Calais. Sa mission consiste à recruter des passagers, tout en gardant la confiance du chef du réseau. Si celui-ci est satisfait, il le recommandera à ses amis, "en Italie, en Iran ou ailleurs". Shervin, lui, touche 100 à 200 euros par migrant qui monte à bord. Avant de les confier aux "petites mains" qui les mettront dans un canot, il organise leur vie dans la jungle de Calais, leur fournit une tente et de la nourriture.
"La majorité des trafiquants est armée. Ils possèdent des revolvers, des kalachnikovs. Si un passeur vole le passager d'un autre, cela déclenche une guerre."
Le prix à payer pour la traversée dépend de la nationalité, explique Shervin. Selon lui, "les Pakistanais, les Afghans, les Iraniens et les Kurdes payent entre 1 500 et 1 100 euros". Pour les Turcs et les Albanais, le tarif varie de 2 500 à 3 500, voire 4 000 euros. Du côté des passeurs, affirme-t-il, "ce sont les Kurdes qui sont les plus forts partout, à Calais comme à Dunkerque. Ils ne laissent personne d'autre venir travailler".
Les "petites mains" s'occupent de la mise à l'eau des bateaux
Tout en bas de l'échelle dans le réseau de passeurs, on trouve les "petites mains", chargées de mettre les canots à l'eau. Une tâche qui ne leur rapporte que quelques centaines d'euros par bateau – ou bien une place à bord, un jour, sans payer... Car souvent, eux-mêmes sont des migrants.
Comme Araz, un Kurde iranien à qui un passeur a volé tout son argent, explique-t-il. "C'est pour cette raison que je me suis mis à travailler pour un autre passeur. En échange, il a promis de m'envoyer en Angleterre." Après avoir envoyé dix bateaux, il pourra faire la traversée à son tour…
"Avec un bateau de 4 ou 5 mètres, un passeur fait presque 70 000 euros."
En attendant, quand la mer est calme, il guide des petits groupes de passagers jusqu'au lieu d'embarquement. Il est fixé en accord avec un autre membre du réseau, celui qui est chargé de livrer le Zodiac sur la plage – parfois sous les yeux de vacanciers ébahis.
Les passagers sont embarqués sans ménagement, parfois même frappés. Sur le Zodiac surchargé, des "petites mains" comme Araz font le tri entre ceux qui peuvent monter et ceux qui vont rester en France. "En règle générale, précise-t-il, celui qui est chassé fera partie de la traversée suivante."
Puis il faut entrer dans l'eau, attacher le moteur, et le mettre en route. La conduite du canot sera confiée "à quelqu'un qui n'a pas d'argent, mais qui sait manœuvrer". Il faut faire vite – "le plus difficile à gérer, c'est le stress", confie Araz – car la police peut arriver à tout moment, et lacérer le Zodiac à coups de couteau pour qu'il ne puisse plus servir.
Vidéos extraites de "Les plages de l'embarquement", un document à voir dans "Envoyé spécial" le 2 novembre 2023.
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