: Vidéo "C'est du business, c'est pas du trafic" : "Envoyé spécial" au cœur des filières de passeurs qui organisent les traversées de l'île d'Anjouan à Mayotte
Vu d'Anjouan, l'île la plus pauvre de l'archipel des Comores, l'eldorado s'appelle Mayotte. Un rêve français accessible juste de l'autre côté de l'horizon, à quatre heures de kwassa, ces barques qu'utilisent les passeurs pour les traversées clandestines. Quelques-uns d'entre eux ont dévoilé leur organisation à "Envoyé spécial".
Juste en face de Mayotte, 101e département français, l'île d'Anjouan est la plus pauvre de l'archipel des Comores. En 1974, à la proclamation de l'indépendance, l'écart s'est creusé quand la première a choisi de rester française. Et chaque année, ce sont des milliers de Comoriens qui franchissent clandestinement ce bras de mer pour la rejoindre, dans l'espoir d'une vie moins dure. En 2023, 25 000 d'entre eux en étaient expulsés. Beaucoup tentent d'y revenir aussitôt dans des kwassa, ces barques utilisées pour les traversées, en payant des passeurs.
Pour "Envoyé spécial", Julien Fouchet et Guillaume Marque ont infiltré certaines des filières qui organisent ces voyages parfois mortels. Les trois hommes qui ont accepté de leur confier leurs techniques sont basés à Domoni, sur la côte orientale de l'île d'Anjouan. La ville est surnommée "la capitale du kwassa". Les passeurs disent faire une à deux traversées par mois, avec dix passagers à bord du kwassa, cinq de chaque côté de la barque. Ils paieraient chacun 500 euros.
Un réseau pour échapper à la surveillance des autorités
Le trafic de migrants est passible de dix ans de prison aux Comores et de vingt ans en France, alors les passeurs ont mis en place un réseau pour échapper aux autorités. Pour ne pas se faire arrêter, il faudrait tout d'abord, expliquent-ils, payer le garde-côtes (de 200 à 600 euros). Ensuite, à l'approche des côtes mahoraises, pour déjouer la surveillance des militaires français, les passeurs joignent par téléphone un pêcheur faisant partie de leur réseau. Il leur indique si la voie est libre. Lui aussi serait payé, 200 euros.
Sont-ils conscients de se livrer à un trafic d'êtres humains ? "C'est du business, pas du trafic", estiment-ils : ces gens qu'ils font traverser veulent aller à Mayotte, en France. Il leur suffit de payer. Et d'avoir de la chance... Mayotte n'est qu'à trois ou quatre heures de traversée, mais tout le monde n'arrive pas à destination : le 28 août 2024, le naufrage d'un kwassa a fait huit morts. Selon les ONG, plus de 600 migrants périraient en mer chaque année..
Dans le kwassa, un garçon de 12 ans comme "protecteur"
A seulement 19 ans, un autre passeur enchaînerait les traversées : une tous les deux jours, dit-il aux journalistes. A sa demande, ils filment en caméra cachée pour ne pas effrayer ses "clients". Ceux-ci viennent tout juste d'être expulsés de Mayotte et leur famille a déjà envoyé l'argent nécessaire pour un voyage retour. Le kwassa les attend sur la plage en fin de journée, au retour des bateaux de pêche. La mer est agitée, mais la traversée se fera quand même, de nuit.
Dans la barque, avec six jeunes hommes, un garçon de 12 ans a pris place. "C'est le protecteur, explique le passeur. Si on voit la police, on lui laisse la barre." Le passeur prendra alors la place d'un passager, et le mineur, du fait de son âge, échappera à la prison. A Anjouan, il y aurait tous les jours des dizaines de départs comme celui-ci.
Extrait de "Anjouan, le rêve de France", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 17 octobre 2024.
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