Vidéo Ingérences étrangères : l'Azerbaïdjan a-t-il soufflé sur les braises des émeutes en Nouvelle-Calédonie, en mai 2024 ?

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Article rédigé par France 2
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Plus inattendues que les opérations d’influence de la Russie, celles d'un petit pays du Caucase : l'Azerbaïdjan, soupçonné d'avoir attisé la révolte en Nouvelle-Calédonie en mai 2024. En réponse à l'appui militaire de la France à l'Arménie, en conflit avec son pays, le président Ilham Aliyev affiche son soutien aux opposants à l'Etat français. Un extrait de "Complément d'enquête" du 17 avril 2025.

Un petit pays du Caucase a-t-il pu influencer les émeutes de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie, qui ont fait 14 morts, dont deux gendarmes, et des dégâts chiffrés à plus de 2 milliards d'euros ?

L’histoire débute lors de la réforme du corps électoral. La population kanake la refuse parce que, selon ses représentants, cette réforme la mettrait en minorité aux élections locales face aux Caldoches, descendants des colons blancs. Lors des manifestations, les autorités françaises repèrent la présence, au milieu des drapeaux kanaks, de drapeaux bleu, rouge et vert, ornés d'une étoile et d'un croissant blancs : ceux de l'Azerbaïdjan exhibés par certains militants indépendantistes. On les retrouve aussi sur des photos postées sur les réseaux sociaux.

Sur les plateaux télévisés, le ministre de l'Intérieur et des Outremers Gérald Darmanin dénonce "un deal d'une partie des leaders indépendantistes calédoniens avec l'Azerbaïdjan". Selon le député Renaissance Sacha Houlié, coauteur d'un rapport sur la question des ingérences étrangères, celle de l'Azerbaïdjan "est quasi publique, ça se passe au vu et au su de tout le monde".

Un photomontage au cœur d'une manœuvre numérique

Autre indice de cette ingérence, un photomontage repris dans 5 000 messages, publié par au moins 1 686 utilisateurs… sur des comptes dont des centaines sont faux, et d'autres proches du parti présidentiel azerbaïdjanais. A gauche sur ce photomontage, un homme en position de tir. A droite, le corps sans vie d'une Kanake de 17 ans. En dessous, le slogan "La police française tue. Les meurtres d'Algériens continuent", en référence au passé colonial de la France.

L'ensemble laisse entendre que la jeune Kanake aurait été tuée par un policier français. Or, les deux photos n'ont été prises ni au même endroit ni le même jour, le tireur n'est pas un membre des forces de l'ordre... et la victime a en réalité été tuée par le propriétaire de la voiture qu'elle tentait de voler.

Des voyages à Bakou offerts par le régime azerbaïdjanais

Pour comprendre la nature des liens qui unissent le régime de Bakou et les indépendantistes kanaks, "Complément d'enquête" s'est entretenu avec un représentant de la mouvance indépendantiste la plus radicale, la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain).

Christian Tein, le chef de la CCAT, étant en détention en métropole (il est accusé d'avoir fomenté l'insurrection), c'est donc Mickaël Forrest qui reçoit les journalistes au siège du collectif. L'entretien se déroule en octobre 2024, soit cinq mois après les émeutes. Le porte-parole de la CCAT reconnaît avoir "été questionné plusieurs fois" par la police au sujet de cet éventuel "deal avec l'Azerbaïdjan" qui inquiète Gérald Darmanin, mais affirme ne pas comprendre que cette relation dérange les autorités françaises.

Auter motif d'inquiétude pour le gouvernement, les voyages de Mickaël Forrest à Bakou. Depuis plusieurs années, le leader kanak s'affiche, avec d'autres élus indépendantistes, dans les congrès du Baku Initiative Group. Le BIG a été créé en 2023 à l'initiative du dictateur azerbaïdjanais. L'un de ses objectifs : "contribuer à la dénonciation du néo-colonialisme français". Les congrès du Baku Initiative Group réunissent les militants indépendantistes de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie, et même de Corse. Chaque conférence fait ensuite l'objet d'un clip diffusé sur les réseaux sociaux.

Mickaël Forrest reconnaît s'être rendu à Bakou "10 fois, 15 fois" depuis 2018, aux frais du BIG qui prend en charge les billets d'avion. L'élu indépendantiste assume sans complexe ces voyages à Bakou payés par le régime azerbaïdjanais : "La France a des problèmes avec l'Azerbaïdjan. Nous, on n'est pas la France", argue-t-il.

Extrait de "Guerres de propagande : la France en première ligne", à voir dans "Complément d'enquête" le 17 avril 2025.

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