Vidéo "Il était obligatoirement au courant, au point qu'il est venu me voir" : quand François Bayrou rendait visite au juge d'instruction en marge d'une enquête pour viol à Bétharram, en 1998

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Article rédigé par France 2
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Deux ans après une plainte pour "coups et blessures volontaires" par un surveillant, c'est un scandale plus grave encore qui secoue Notre-Dame de Bétharram : en 1998, un ancien directeur est accusé de viol... et rapidement remis en liberté sous contrôle judiciaire. François Bayrou serait-il intervenu dans cette affaire, comme l'évoque un ancien gendarme ? Un extrait de "Complément d'enquête" sur le scandale Bétharram.

Deux ans après l'affaire de la gifle donnée par un surveillant qui a perforé le tympan d'un élève de Bétharram, l'établissement catholique est secoué par un scandale encore plus grave. Cette fois, en 1998, c'est un pilier de l'institution, un ancien directeur, qui est accusé de viol sur mineur. Le père Carricart aurait violé Franck, 11 ans et demi, le matin de l'enterrement de son père, en 1988.

Dans une lettre écrite à la mère de Franck à l'annonce du décès, dévoilée par "Complément d'enquête", il promettait de faire "tout ce qui est possible pour aider l'enfant", qu'il décrivait comme particulièrement "sensible". Révulsée aujourd'hui par ce courrier, Martine, la maman de Franck, témoigne dans cet extrait, à visage caché. Elle n'a rien oublié de la journée des obsèques, de son fils "couché sur le cercueil de son père", qui "hurlait qu'il voulait partir avec lui". Franck lui a révélé des années plus tard que juste avant qu'elle vienne le chercher à Bétharram, celui-ci avait été "entraîné dans une salle de bain des pères" par le directeur pour y subir "toutes les misères du monde".

Franck révèle le nom de son agresseur à la police pour la première fois en 1997, et porte plainte. Lors de son premier interrogatoire par le juge d'instruction, que "Complément d'enquête" a pu consulter en exclusivité, le père Carricart nie en bloc. Décrivant un "enfant perturbé", il dit avoir "fait une erreur en l'aidant à prendre sa douche". "Je voulais l'aider, et qu'il sente que je partageais sa douleur", ajoutait-il.

Une visite au juge d'instruction

Selon Christian Mirande, l'ancien juge d'instruction qui a interrogé le père Carricart, un illustre voisin s'intéresse alors particulièrement à l'affaire : François Bayrou. Pourtant, le Premier ministre affirmait encore le 11 février dernier, devant l'Assemblée nationale, qu'il n'était au courant d'aucun fait de violence physique ou sexuelle à Bétharram...

"Il était obligatoirement au courant, réagit le juge interrogé par "Complément d'enquête", quand l'affaire s'est révélée, que Carricart a été mis en détention, que les médias s'en sont saisis. Au point qu'il est venu me voir, ici. Et on en a parlé", affirme-t-il. Une visite niée dans un premier temps par François Bayrou, mais que sa propre fille confirmera à Mediapart. Selon le juge, il se serait montré particulièrement inquiet pour son fils Calixte, élève à Lestelle-Bétharram. 

"Une intervention de M. Bayrou ?"

François Bayrou, alors député, et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, aurait-il joué un rôle dans cette affaire ? "Complément d'enquête" a rencontré l'ancien gendarme qui a placé le père Carricart en garde à vue. Lorsqu'Alain Hontangs emmène le prêtre au tribunal pour le présenter au juge d'instruction Christian Mirande, celui-ci lui aurait annoncé, selon le récit du gendarme, que "la présentation va être retardée, parce que le procureur général veut voir la procédure, il y a une intervention de M. Bayrou". Le juge Mirande affirme, lui, n’avoir aucun souvenir de cet échange raconté par le gendarme. Tous les deux seront ensuite très surpris par la remise en liberté du père Carricart après douze jours seulement de détention provisoire. 

En 2006, la justice a reconnu le viol de Franck au civil et condamné l'établissement catholique à lui verser des dommages et intérêts. De son côté, François Bayrou affirmait encore le 14 mai, devant la commission d'enquête parlementaire, n'être "jamais intervenu dans une affaire de justice". Il réfute en bloc toutes ces accusations.

Extrait de "Abus, silence et compromissions : le scandale Bétharram", à voir dans "Complément d'enquête" le 22 mai 2025.

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