Vidéo Comment le lobby de la viande a fait du flexitarisme son arme de communication massive

Publié
Temps de lecture : 3min - vidéo : 3min
Article rédigé par France 2
France Télévisions

Comment un terme du lexique vegan a été détourné pour lui faire dire "Continuez à manger de la viande à tous les repas" : une stratégie de communication un brin trompeuse décryptée dans cet extrait de "Complément d'enquête".

"Moi, je suis pour le régime flexitarien." C'est ce que prônait en novembre 2022 le président Macron en personne, au nom de la nécessité, selon lui, d'un "régime équilibré" entre légumes et viande. Mais que veut dire exactement ce terme "flexitarien", qui nous vient tout droit des Etats-Unis... où il n'a pas du tout la même signification ?

Littéralement, le mot est un composé de "flexible" et de "végétarien". Selon le dictionnaire Larousse, souligne Ulysse Thevenon, journaliste et auteur de Le sens du détail (éd. Flammarion), il désigne "un régime essentiellement végétarien, avec occasionnellement de la viande ou du poisson". Assez loin donc du message véhiculé par ce spot mettant en scène un certain Thomas présenté comme "flexitarien", faisant ses courses au rayon boucherie ou attablé avec ses potes autour d'un plat de côtelettes... En en faisant le mot clé de plusieurs de ses campagnes de pub, l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, Interbev, n'a pas hésité à prendre quelques libertés avec le concept originel.

Un détournement réussi ?

C'est ce que raconte cet extrait de "Complément d'enquête" : comment le camp de la viande s'est approprié un terme qui lui était "plutôt défavorable" et l'a "retourné à son avantage". Car "flexitarien" à la sauce Interbev, remarque Ulysse Thevenon, cela signifie désormais : "Consommez de la viande à chaque repas, certes dans des quantités raisonnables, et surtout de bonne qualité, mais continuez à manger de la viande."

Et à en croire un sondage commandé par le syndicat interprofessionnel de la viande et du bétail, le détournement serait réussi. En 2019, un tiers seulement des Français connaissaient le mot "flexitarisme". Deux ans après le lancement de la campagne, ils sont deux fois plus nombreux, se félicite Interbev dans son rapport d'activité, soulignant que 79% des personnes interrogées estiment que "cette campagne incite à acheter de la viande", et 85% qu'en manger "s'inscrit dans une démarche d'alimentation équilibrée". Exactement comme notre président de la République...

"C'est vraiment du charabia de pubards"

Fort de ce succès, le lobby de la viande peut donc continuer à décliner slogans et injonctions du style "Et si la liberté, c'était d'être flexitarien ?" ou "Aimez la viande, mangez-en mieux". "Complément d'enquête" a souhaité avoir l'avis d'un connaisseur sur cette stratégie de communication. Qu'en pense le journaliste américain Mark Bittman, l'un des premiers à avoir popularisé le flexitarisme aux Etats-Unis ?

Tout d'abord, tacle cet ancien chroniqueur culinaire au prestigieux New York Times, "dire 'Aimez la viande, mangez-en mieux', ça ne veut rien dire". Et surtout, "dans cette campagne, personne ne parle de la façon dont la viande est produite (...) ni de la façon dont les animaux sont élevés, ce qui est vraiment le principal enjeu aujourd'hui en ce qui concerne la consommation de viande". Un discours qui donc "perd toute valeur", du pur "charabia de publicitaires", conclut notre expert.

Extrait de "Touche pas à mon steak", à voir dans "Complément d'enquête" le 12 juin 2025.

> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de franceinfo, rubrique "Magazines".




Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.