Vidéo Bombardements israéliens sur Gaza : des méthodes de destruction massive disproportionnées, constitutives de crimes de guerre, selon l'ONU

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Article rédigé par France 2
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"Crimes contre l'humanité et crimes de guerre" : sur quels éléments factuels s'est basée la Cour pénale internationale pour porter ces accusations contre le Premier ministre israélien ? Dans cet extrait de "Complément d'enquête", un expert militaire analyse une frappe d'octobre 2023. Elle fait partie des exemples retenus par l'ONU pour dénoncer les attaques contre la population civile.

"Israël a imposé un blocus total de Gaza. Vous n’aurez plus d’électricité, plus d’eau, que des destructions ! Vous voulez l’enfer ? Vous allez l’avoir !" Cette déclaration du général israélien Ghassan Alian le 10 octobre 2023, au lendemain de l'attaque du Hamas, donne le ton. Les menaces sont mises à exécution. Sur ce tout petit territoire, déjà sous blocus israélien depuis 2007, plus de 2 millions d'habitants se retrouvent piégés. Quant à Gaza City, comme toutes les villes de l’enclave, elle va bientôt devenir invivable.

Dans le même temps débute une intense campagne de bombardements. "Complément d'enquête" s'est intéressé à l'une de ces frappes, filmées et publiées sur les réseaux sociaux de Tsahal, l’armée israélienne : la destruction de la tour Taj, en plein cœur de Gaza City, le 23 octobre 2023. Le motif invoqué par Tsahal : un tunnel du Hamas situé dessous. Mais la tour Taj ne sera pas seule à tomber.

Guillaume Ancel, ancien lieutenant-colonel d’artillerie, spécialisé dans le guidage des frappes aériennes de l’armée française, décrypte les images pour "Complément d'enquête". 

"Un choix délibéré de détruire un îlot d'immeubles"

On distingue nettement deux séries de frappes consécutives (une première série de 8 explosions, suivies de 4 autres) sur les immeubles avoisinant la tour, constate-t-il, ce qui montre un "choix délibéré de détruire l'intégralité de cet îlot d'immeubles. Et ça, c’est extrêmement grave, parce que ça veut dire que sous couvert de détruire des tunnels, on a détruit l'équivalent d’une dizaine d'immeubles, dont la tour Taj".

Le bombardement de la tour Taj a tué 105 civils, dont 47 enfants et 32 femmes, selon le Haut-Commissariat des droits de l’homme (HCDH). C'est l'un des six exemples retenus par l'ONU pour dénoncer les frappes contre la population civile. Un rapport de juin 2024 mentionne que "les forces armées israéliennes pourraient avoir systématiquement violé les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution (...) Lorsqu'elles sont commises intentionnellement, ces violations peuvent constituer des crimes de guerre. Le fait de prendre illégalement pour cible une population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique (...) peut également constituer un crime contre l'humanité".

La bombe la plus meurtrière pour les populations

L'ONU soulève également un autre point : le choix des armes. L’armée israélienne a fait usage de la bombe la plus meurtrière pour les populations : la MK-84, un poids de 1 tonne, un diamètre de destruction de 60 mètres. "Son utilisation dans des zones densément peuplées rend les destructions importantes et le nombre élevé de morts et de blessés tout à fait prévisible. L'obligation de choisir des moyens et des méthodes de guerre qui minimisent ou évitent les dommages aux civils semble avoir été systématiquement violée dans la campagne de bombardement israélienne", écrit le même rapport du HCDH.

Cette bombe est "la plus puissante de nos arsenaux actuellement, précise Guillaume Ancel. C'est complètement disproportionné d'utiliser des munitions qui sont faites pour détruire massivement en expliquant qu’on va cibler. Et c’est ça qui s’est passé à Gaza." Nétanyahou étant seul habilité à autoriser l'utilisation de ce type de munitions et ce type de bombardements, il s'agit forcément d'un acte "délibéré de sa part" (...), "pour dévaster la bande de Gaza, bien plus que pour, comme il l'avait affiché, détruire militairement le Hamas", conclut-il.

Des accusations de bombardements disproportionnés que le Premier ministre israélien a rejetées devant la presse internationale, le 4 septembre 2024, soutenant que "jamais une autre armée n'a pris autant de précautions que celle d’Israël, parfois au prix d’un très grand risque, pour être certain de minimiser le nombre de victimes", et qu'il s'agit "du plus faible ratio de civils tués par rapport aux combattants dans l'histoire des conflits urbains".

Selon un bilan publié début mars 2025 par l’UNICEF, plus de 48 000 habitants de Gaza ont été tués durant le conflit. A en croire l’armée israélienne, 17 000 seraient des combattants du Hamas. 

Extrait de "Benyamin Nétanyahou : un chef d'Etat hors limites ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 6 mars 2025.

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