Dette : "C'est au peuple français de décider de son avenir et pas à une agence de notation", affirme le député Alexis Corbière

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Article rédigé par franceinfo - B. Boucher
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Samedi 13 septembre, le député du groupe Écologiste et Social était l'invité politique de la Matinale week-end de franceinfo. L'ex-insoumis a notamment réagi à la dégradation de la note souveraine de la France, que l'agence américaine de notation Fitch a fait passer de AA- à A+.

Brigitte Boucher : L'agence de notation "Fitch" a dégradé la note de la France pour instabilité politique et elle ne croit pas dans la trajectoire budgétaire de passer sous les 3 % de déficit, notamment en 2029. Vous vous étiez opposé au plan de réduction des finances publiques proposé par François Bayrou. Est-ce que, quand vous voyez cette dégradation de la note, vous vous dites : "Je n'ai pas été responsable" ?

Alexis Corbière : C'est au peuple français de décider de son avenir et pas à une agence de notation. Ne nous habituons pas à l'idée que ce sont des agences, qui voient uniquement les marchés financiers, qui doivent juger de ce que nous faisons. Nous sommes un grand et vieux pays à tradition démocratique. Ce ne sont pas des gens qui ne voient que des logiques marchandes qui doivent nous dire ce que nous avons à faire.


Il n'y a pas une alerte grave ?

Ils ne disent pas : "Vive M. Bayrou, le plan qu'il proposait, il fallait le voter". Ils considèrent même qu'il y a une instabilité de la vie politique qui est due, sans doute, aux erreurs de M. Bayrou et aux gouvernements précédents. Si on prend l'idée que c'est une espèce de notation comme quand on était à l'école, c'est l'élève Macron qui est jugé. En fait, le pseudo "Mozart de la finance" était un cancre, même du point de vue des marchés financiers, parce qu'ils disent que ça ne marche pas. Et ce n'est pas Alexis Corbière ou le NFP qui le dit.


Sur X, François Bayrou dit que les élites ne regardent pas la vérité en face.

C'est horrible ce genre de commentaire. Lui, il est l'élite incarnée. C'est sa politique. Après, il y a l'aspect politicien presque dégoûtant qui est utilisé dans ce que fait Bayrou, d'une démagogie totale. Les agences, quand en juillet il annonce son budget, ont signalé, parce qu'elles n'y croient pas. François Bayrou veut surfer sur des politiques qu'il a construites, pour se tailler une stature d'homme qui aurait prévu. Il y a une arrogance et une prétention chez lui qui est insupportable. Une fois qu'on a dit ça, A+, ce n'est quand même pas une ultra-mauvaise note. La France reste la deuxième puissance économique de la zone euro. Nous sommes un pays où notre patrimoine général est sept fois supérieur à la dette. Il y a encore des gens qui se bousculent, si je puis dire, pour nous prêter de l'argent. Il ne faut pas raconter des sornettes.


Nos intérêts de la dette augmentent d'année en année. Pierre Moscovici a alerté : ce sera plus de 100 milliards à l'horizon 2030 ou 2031. Et ça, forcément, ça pénalise le pouvoir d'achat des Français.

Oui, mais qu'est-ce que nous, on dit ? Ce qui a creusé cette dette, c'est qu'il y a eu moins de recettes. C'est que tous ces gens-là, arrogants, qui veulent faire de la politique politicienne avec cette note, sont ceux qui ont baissé la fiscalité, non pas pour vous et moi, les gens moyens, mais des plus fortunés, avec l'idée que ça allait dynamiser l'économie. Et c'est l'inverse qui a eu lieu. De quoi avons-nous besoin, nous ? Ce dont le tissu économique de ce pays a besoin, c'est aussi de la relance par la consommation populaire. Moi, ce qui m'intéresse, ce sont les petites entreprises, les commerçants, le coiffeur, le patron de restaurant. Lui, qu'est-ce qu'il veut ? C'est que les gens consomment. Et les budgets comme ceux de M. Bayrou sont des budgets qui grippent la machine économique.


Augmenter les impôts des plus riches va-t-il faire consommer davantage les moins aisés ?

À partir du moment où vous considérez que vous réinjectez dans l'économie de l'argent qui, aujourd'hui, se concentre sur quelques personnes, qui par ailleurs n'investissent pas dans la vie économique, de quoi parle-t-on ? Alors on en revient à cette taxe, que je vais arrêter d'appeler Gabriel Zucman, mais la taxe Bernard Arnault. Regardons ce que nous disent les économistes. Il y a dans ce pays une concentration de richesses. Je ne parle pas des gens qui ont un petit bas de laine, mais des gens - on estime à 1 500 foyers - qui ont un patrimoine personnel supérieur à plus de 100 millions d'euros. Eux paient moins d'impôts en moyenne que tout le monde. Donc on va les faire payer uniquement en corrigeant de 2 %. Il n'y a pas de spoliation, on ne vole rien, on veut que ce soit juste et ça peut rapporter 20 milliards dans les caisses de l'État. Avec ces 20 milliards, vous ne restreignez pas nos services publics. Vous pouvez même mener des politiques qui réinjectent cet argent dans la machine économique.


Ça ne va pas faire fuir les riches ?

C'est intéressant, parce que les services, comme le Conseil d'analyse économique, qui sont des services liés notamment à Matignon, nous montrent que ce phénomène n'existe pas. M. Bayrou, dans son mensonge et sa démagogie, a dit que ça va faire fuir. Il ne lit même pas les notes de ses propres services. On estime à 0,03 % parmi les plus fortunés. Pourquoi les grandes fortunes ne partiront pas ? Parce que nous vivons bien en France.


Même si les plus riches paient 2 % d'impôts en plus ?

Ces gens ne sont pas à 2 % près. Ils ne sont pas prêts à partir, ce n'est pas vrai. Parce qu'en France, il y a le service public, la santé, c'est un beau pays, il y a des choses qui fonctionnent. Si vous êtes un ultra-riche, vous n'avez pas envie de vivre au milieu du désert. Les gens ont envie de vivre dans un pays où, malgré tout, vous allez à l'hôpital, vous êtes soigné, même si l'hôpital se dégrade. Un pays où, malgré tout, vous avez, y compris, une classe ouvrière, des travailleurs formés, éduqués.

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