Budget : "Des économies, oui, mais pas les économies qui font du mal aux gens", réclame Philippe Brun, député PS de l'Eure

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min - vidéo : 12min
Article rédigé par franceinfo - B.Boucher
France Télévisions

Dimanche 14 septembre, Philippe Brun était l'invité politique de la Matinale Week-end de franceinfo. Le député de l'Eure s'est exprimé sur les attentes du Parti socialiste en matière de budget, et a listé les mesures qui, selon lui, sont non négociables.

Brigitte Boucher : Dans une longue interview, le Premier ministre a dit vouloir une discussion parlementaire franche et moderne avec le PS, les écologistes et le Parti communiste. Vous acceptez cette main tendue ?

Philippe Brun : Nous avons dit que nous allions renverser la charge de la preuve, comme on dit. Le Premier ministre, nous ne négocions pas de manière automatique avec lui un accord de non-censure. Notre non-censure ne peut être acquise que s'il dit très clairement ce qu'il souhaite faire et quelles sont les propositions qu'il souhaite reprendre. Les nôtres, elles sont publiques. On les a déclarées à la presse le 26 août dernier. Le contre-budget des socialistes, c'est à la fois des mesures de recette, des mesures pour le pouvoir d'achat des gens, avec une baisse de la CSG pour la moitié des salariés, que nous proposons afin d'augmenter leur pouvoir d'achat et leur salaire net. Et puis nous demandons également que l'on baisse l'effort qui est demandé, qui nous semble être récessif. Il est dit que budget Bayrou, qui est repris aujourd'hui par Monsieur Lecornu, baisserait la croissance et augmenterait le chômage de deux points et ça, nous ne le souhaitons pas.

Vous vous dites que vous avez proposé un contre-budget et que l'accord de non-censure dépend grosso modo de ce contre-budget, c'est-à-dire que c'est le contre-budget ou rien ?

Il faut qu'ils disent ce qu'ils souhaitent faire. Nous n'allons pas en discuter pour faire semblant, pour qu'à la fin on nous dise : "On vous donne une microtaxe sur le patrimoine, on ne suspend pas la réforme des retraites et on ne fait rien sur les salaires". Ce sera sans nous. Si le Premier ministre souhaite demeurer en poste, s'il souhaite que son gouvernement tienne, s'il souhaite faire passer un budget, il doit comprendre qu'il y a une soif de changement dans le pays et qu'il y a une nécessité d'engager un grand tournant. Le Premier ministre a parlé de "rupture". La rupture, c'est suspendre la réforme des retraites. La rupture, c'est permettre l'augmentation des salaires à un moment où les gens ont de vrais problèmes de consommation.

Sur la suspension de la réforme des retraites, il l'a dit, il n'y aura pas de réouverture du conclave. On comprend que c'est un sujet qui doit se traiter lors de la prochaine présidentielle. Est-ce que c'est une ligne rouge qui fait qu'il n'y aura pas d'accord de non-censure ?

Nous disons que nous souhaitons la suspension de la réforme des retraites et que c'est un élément extrêmement important de ce que nous demandons. Nous l'avions déjà demandé à François Bayrou qui a fait le conclave sans suspendre, et on a bien vu que ça ne marchait pas. Il faut qu'il y ait une suspension pour qu'un conclave puisse fonctionner. Il y a eu un conclave qui a fait des propositions, nous voulons savoir aussi si le Premier ministre souhaite les reprendre. On ne peut pas, aujourd'hui, accepter un système dans lequel il y a des gens qui ont commencé à travailler tôt et qui cotisent deux ans de plus que ceux qui ont commencé à travailler plus tard. Ce n'est pas logique que l'équilibre du système des retraites repose sur des gens qui ont commencé tôt, qui exercent les métiers les plus pénibles et qui, en plus, meurent plus tôt. Je rappelle qu'un ouvrier meurt huit ans avant un cadre et c'est à l'ouvrier qu'on va demander de travailler deux ans de plus, pas au cadre qui est parti après 65 ans. Il faut aujourd'hui qu'un effort soit fait sur cette réforme des retraites et nous ne lâcherons rien. Nous ne lâcherons rien sur les retraites comme nous ne lâcherons rien sur les salaires. Nous ne lâcherons rien sur la mise en contribution des plus aisés, notamment des grandes fortunes.

Il y a cette taxe Zucman qui est dans le débat public, qui imposerait 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros. Comment fait-on pour le patron de Mistral AI, puisque lui, il ne touche pas de dividendes et il ne pourrait pas réinvestir dans sa société ?

Alors nous, dans celle que nous proposons, nous excluons justement de l'assiette - soit ce sur quoi on calcule la taxe - les startups. Donc, il n'y a pas de problème. Le chiffrage à 15 milliards exclut les startups. Donc, le patron de Mistral n'opérera pas la taxe dans celle que nous, les socialistes, nous proposons.

Il y a donc les 22 milliards d'économies que vous proposez. Est-ce que vous êtes prêts à aller un peu plus loin, entre 22 et 44 milliards ? Est-ce qu'il y a un entre-deux qui vous semble possible ?

Ce qu'il faut regarder, c'est les économies que l'on fait. Est-ce que ce sont des économies qui vont toucher directement les classes populaires et les classes moyennes ? Est-ce que ce sont des économies qui vont réduire les services publics ? Est-ce que ce sont des économies qui vont faire du mal aux gens ? Nous, nous proposons 15 milliards d'économies, de vraies économies, de réduction de la bureaucratie, d'amélioration du fonctionnement de l'État, de réduction des achats, de réduction d'un certain nombre de politiques immobilières qui nous semblent dispendieuses, de réduction du train de vie de l'État aussi. C'est 15 milliards qui ne vont pas faire mal aux gens. Mais si on nous propose un effort qui vise les remboursements de médicaments, ce sera sans nous. Les gels, ce sera sans nous. Nous ne pouvons pas geler les prestations sociales ou les petites retraites. C'est inacceptable. De la même manière, les déremboursements de consultation, ce sera sans nous aussi. Donc les économies, oui, mais pas les économies qui font du mal aux gens, pas les économies qui touchent les classes populaires et les classes moyennes, des gens qui ont beaucoup souffert de la crise, qui aujourd'hui ont un pouvoir d'achat qui baisse. Les gens, moi, que je croise le week-end, me disent que le 8 du mois, ils n'ont pas assez pour vivre et les prix continuent d'augmenter.

Donc vous demandez quoi ? Une augmentation du SMIC ?

Il faut une augmentation du SMIC et nous proposons aussi une baisse de CSG pour les gens qui gagnent un salaire de 1 200 euros par mois. Et on le compense par une augmentation sur les revenus du patrimoine, les dividendes.

Il y a, dans l'annonce du Premier ministre, l'abandon de la suppression de deux jours fériés. Vous y voyez là une bonne nouvelle ?

Oui, nous pensons qu'il faut mettre l'ensemble du plan Bayrou à la poubelle et recommencer à zéro. Il y a nos propositions, il y en a d'autres qui ont été faites, les écologistes ont fait des propositions très intéressantes, les communistes aussi, comme le reste des groupes politiques. Il faut laisser le Parlement faire. Moi, je pense que cette histoire de censure, non-censure, et négociation à Bercy ne fonctionne pas.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.