Vote de confiance du 8 septembre : "C'est très cohérent de la part de François Bayrou, mais il y a une contradiction", observe Bruno Cautrès, politologue

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Dans "La Matinale" du 26 août, Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences Po, livre son analyse de la décision de François Bayrou de se soumettre, avec son gouvernement, à un vote de confiance devant l'Assemblée nationale le 8 septembre.

Le choix de François de Bayrou de se soumettre à un vote de confiance alors que la menace d'une censure de son budget plane depuis des semaines fait réagir. Invité de "La Matinale" ce mardi 26 août face à Jean-Baptiste Marteau, le politologue et chercheur au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Bruno Cautrès, commente cette décision, qui ne le surprend pas, mais qui l'interroge sur quelques points.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Jean-Baptiste Marteau : "Mission suicide", "Bayrou s'autodissout"... Ce sont quelques-uns des titres de la une ce mardi matin. Comment qualifieriez-vous le choix de François Bayrou de demander la confiance du Parlement le 8 septembre prochain ?

C'est très cohérent, à la fois par rapport aux annonces du 15 juillet, par rapport à l'ensemble de la trajectoire politique de François Bayrou, qui a toujours occupé une place un peu à part dans la vie politique, a toujours voulu incarner cette posture, sur les déficits publics, il a toujours eu un certain nombre de modèles politiques en tête. On voyait, par exemple, hier, que François Bayrou, répondant à la question d'un journaliste, semblait quand même plutôt content, assez flatté qu'on le compare à Pierre Mendès France. Donc, on n'est pas non plus tellement surpris que François Bayrou soit dans ce registre-là. Par contre, là où l'on est un petit peu surpris, c'est qu'il y a une sorte de contradiction dans les termes. François Bayrou, l'homme du dialogue, l'homme de la recherche du consensus, celui qui dit toujours que sa porte est ouverte, au fond, nous propose : 'C'est un peu moi ou le désastre pour la France'. Il y avait une sorte de contradiction.

Il n'a pas cherché à ouvrir un dialogue, il a cherché des voies avec le Parlement avant l'ouverture du débat budgétaire. Là, il dit "maintenant, je veut la confiance, ou c'est fini"...

C'est un peu bizarre. Il nous disait que tout était discutable. Les jours fériés, par exemple, c'est discutable. On peut envisager des alternatives. Mais en même temps, si on ne fait pas ce que je demande, le pays s'effondre. Il y a eu une sorte de contradiction dans les termes qui peut-être a un petit peu précipité les choses, parce que, des formations politiques, je pense au Parti socialiste, qui aurait pu être intéressé par entamer un dialogue, vous savez, ces fameuses consultations avec le Premier ministre... Eh bien là, d'une certaine manière, ça tombait un petit peu de soi-même.

"On a le sentiment qu'Emmanuel Macron a du mal à reconnecter avec la vie politique nationale"

Il l'a annoncé deux semaines avant ce fameux vote, le débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale le 8 septembre prochain. Pourtant, dès hier, on a vu effectivement que le RN a dit non, et le PS surtout. Et c'est vrai qu'on ne s'attendait peut-être pas à une décision si rapide et presque définitive du Parti socialiste, Place publique également, qui à l'instant dit qu'il n'accordera pas la confiance à François Bayrou...

Oui, il y a une sorte d'engrenage qui se met en place. D'une part, pour les socialistes qui n'avaient pas voté, au fond, et qui n'avaient pas empêché François Bayrou de faire adopter le budget 2025. Mais, à un moment donné, ils sont tous rattrapés à la fois par les échéances électorales, aussi par la cohérence de leurs électeurs. C'est vrai que pour le Parti socialiste, ça serait peut-être compliqué de se présenter aux municipales en 2026, mais encore plus difficile à la présidentielle de 2027, en disant aux électeurs de gauche, on a validé Bayrou deux fois, d'une certaine manière, ça serait, pour le Parti socialiste, abattre une carte stratégique très importante. Les Insoumis ne manqueraient pas, bien évidemment, de s'engouffrer dans la brèche en disant que les socialistes étaient du côté de Macron.

Donc, le PS se retrouve encore un peu prisonnier de La France Insoumise ?

Cet engrenage trouve son origine, quand même, dans la dissolution de 2024, et dans la situation qu'il a créée. Mais aujourd'hui, tous les acteurs politiques sont un peu prisonniers de cet engrenage sans issue, sans que personne ne puisse dire, le coup d'après, ce qu'il va passer.

Si on avait la droite LR qui ne voterait pas la censure, la confiance, c'est tout qui explose...

Pour Emmanuel Macron, le bilan d'ensemble des deux ou trois dernières années, est très difficile. Emmanuel Macron, ces dernières semaines, a surtout été mobilisé sur l'agenda international, l'Ukraine, en particulier Gaza. Mais on a le sentiment que le chef de l'État a du mal à reconnecter avec la vie politique nationale. Et c'est quand même une de ses grandes missions. Il a été élu au suffrage universel. François Bayrou a été nommé par Emmanuel Macron, mais il n'a pas été élu au suffrage universel. Donc il faut que le chef de l'État, d'une certaine manière, empoigne cette situation nationale. Mais on a effectivement le sentiment aujourd'hui d'une absence de perspectives. Il n'y a pas d'issue. La seule issue pourrait être une nouvelle élection législative.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

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