Réforme des retraites : "C'est une question de justice intergénérationnelle", estime l'ancien conseiller ministériel, Éric Weil
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Éric Weil, ancien conseiller ministériel et auteur de "Retraites : un blocage français", était l'invité du "10 minutes info" diffusé sur le canal 16, jeudi 23 octobre 2025. Il s'est ainsi exprimé sur la suspension de la réforme des retraites, qui doit être actée par une lettre rectificative du gouvernement.
Alors qu'un Conseil des ministres se tient ce jeudi 23 octobre, la suspension de la réforme des retraites dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2026 sera au cœur des préoccupations. Celle-ci devrait être rendue effective par "une lettre rectificative produite par le gouvernement. Pour en parler, l'ancien conseiller ministériel Éric Weil, qui a beaucoup travaillé sur le texte et a signé un livre intitulé Retraites : un blocage français, était invité sur le canal 16 dans le "10 minutes info".
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Zohra Ben Miloud : Ce matin, un conseil des ministres se tient avec une lettre rectificative qui va permettre de graver dans le marbre le fait que la réforme des retraites sera donc bien suspendue. En tant qu'ancien conseiller, vous estimez que c'est une erreur, cette suspension ?
Éric Weil : Je peux comprendre que pour des raisons de court terme, on ait choisi de suspendre la réforme. Mais je suis sûr d'une chose, c'est que l'effort qui ne sera pas fait aujourd'hui, c'est-à-dire le décalage de la réforme Born, suppose aussi un décalage des efforts qu'il faudra faire sur le système de retraite, que ce soit par un décalage de l'âge réel de départ à la retraite ou par une mise à contribution des retraités. Et c'est la piste qu'évoque le gouvernement pour financer cette suspension. Mais je suis sûr qu'un jour ou l'autre, il faudra faire baisser le poids des retraites dans notre budget si on veut financer des dépenses d'avenir et réduire notre endettement.
On l'a compris dans les petites informations qui ont fuité, il est donc question de demander un effort supplémentaire aux mutuelles, mais aussi aux retraités. Cela correspond aux recommandations qu'on retrouve dans votre ouvrage, par exemple.
Je pense que dans tous les cas, il faudra les deux. Il faudra à la fois demander un effort aux retraités, mais aussi décaler l'âge réel de départ à la retraite, parce que c'est ce qui permet à la fois d'équilibrer le système des retraites, mais aussi d'augmenter le taux d'emploi des seniors, ce qui dégage des recettes fiscales pour l'ensemble de la sphère publique. Mais dans tous les cas, et je le mentionne dans mon livre, il faudra demander un effort aux retraités. C'est une question d'abord d'efficacité budgétaire, puisque je rappelle que si on désindexe seulement d'un point les pensions de retraite, c'est immédiatement 3 à 3,5 milliards d'euros d'économies par an.
C'est par ailleurs une question de justice intergénérationnelle puisque les retraités ont bénéficié d'un système de retraite plutôt très généreux dont ne bénéficieront pas les futurs retraités qui partiront plus tard avec des pensions moins importantes et qui ont plus cotisé. Et c'est aussi même une question économique puisque les retraités épargnent beaucoup, les plus aisés en particulier. Le taux d'épargne des retraités est de 20 %, alors que la moyenne du pays est plutôt à 16 %, et donc il n'y aurait que très peu d'effets récessifs à demander un effort aux retraités, en particulier aux plus aisés.
Les retraités mis à contribution
Il est vrai que l'impression d'épargner les retraités se dégage. Peut-on dire que le mode de fonctionnement en France finit par opposer les générations ? Vous dites qu'il faut demander un effort aux retraités, même au-delà de 2029 ?
Ce qui est intéressant, c'est quand on regarde les projections du Conseil d'orientation des retraites. Le niveau des retraites relativement à celui des salaires va baisser. Donc si on ne fait rien, les futurs retraités vont être impactés par le système tel qu'il est aujourd'hui programmé. Donc il n'y a pas de raison, à partir du moment où les futurs retraités seront impactés, à ne pas demander des efforts aux retraités dès aujourd'hui. Et je vous donne juste un chiffre. Quand on dit que les retraités ont cotisé pour leur retraite, c'est tout à fait vrai. Mais d'abord, rappelons qu'ils ont cotisé pour payer eux-mêmes la retraite de leurs parents et grands-parents.
Deuxièmement, quand on regarde un ratio qui est celui de ce qu'on récupère en pension par rapport à ce qu'on a cotisé, on se rend compte que les générations des années 30-40 sont en train ou ont récupéré quatre fois en pension ce qu'elles ont cotisé. Ceux qu'on appelle les "boomers", ceux qui sont nés entre 1945 et 1965-1970, sont en train de récupérer à peu près deux fois ce qu'ils ont cotisé, alors que ceux qui sont nés à partir des années 80 vont plus ou moins récupérer en pension ce qu'ils ont cotisé. Donc le système a beaucoup profité aux générations précédentes. Il est normal de contribuer.
Un sentiment de cotiser pour rien
Ce qui est intéressant dans votre ouvrage, c'est que vous dites qu'un quart de votre génération, donc ceux qui ont jusqu'à l'âge de 45 ans à peu près, sont presque persuadés de travailler pour rien et qu'ils n'auraient même pas de retraite ?
Cela montre bien ce que j'ai essayé d'expliquer. C'est-à-dire qu'il y a vraiment un sentiment qui est en partie justifié. Il ne faut pas non plus être alarmiste. Le système de retraite n'est pas au bord de l'effondrement. Les jeunes auront une retraite, mais ils auront probablement une retraite relativement moins généreuse que celle de leurs parents et grands-parents, et leur niveau de vie relativement à celui qu'ils auront en tant qu'actifs sera plus dégradé que celui des actuels retraités. Donc on va vers un système de retraite nécessairement moins généreux. Pour autant, on n'est pas au bord de l'effondrement, et je veux rassurer ici les jeunes générations : ils auront une pension de retraite.
Baptiste Morin : Vous les rassurez, mais vous allez sur les réseaux sociaux, vous voyez ce que disent les jeunes, est-ce que le principe de la solidarité intergénérationnelle peut être sauvegardé ? Ou est-ce que de toute façon, la démographie fait qu'il est mort ?
Je ne pense pas qu'il soit mort. Je pense qu'il faut le préserver. Je pense simplement que, nécessairement, le vieillissement a un coût et supposera de rendre le système social, que sont les retraites, moins généreux. Dans tous les cas, certains peuvent, grâce à leur épargne, constituer d'autres types de retraites. On parle beaucoup de la retraite par capitalisation. Mais même la retraite par capitalisation n'est pas une solution miracle. Je n’y suis pas opposé du tout sur le principe. Sur le principe, c'est un bon fonctionnement.
Je pense simplement que c'est irréaliste de croire qu'on peut transitionner d'un système par répartition à un système par capitalisation parce que ça supposerait que, pendant près de 80 ans, on cotise, ma génération en particulier, deux fois. Une fois pour continuer à payer la retraite de mes parents et grands-parents et une autre fois pour constituer ma propre retraite, ce qui me semble tout simplement budgétairement impossible.
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