Canicule : "Nous ne pouvons pas nous adapter à des températures de 45°C au quotidien", assure Anne Sénéquier, co-directrice de l’observatoire de la Santé à l’IRIS
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Alors que la nuit a été particulièrement difficile, quatre départements sont maintenus en vigilance rouge canicule. Il s’agit de l’Aude, du Cher, du Loiret et de l’Yonne. Anne Sénéquier, co-directrice de l’observatoire de la Santé à l’IRIS et invitée de la "Matinale" de franceinfo du mercredi 2 juillet, se penche sur les conséquences de cette vague de chaleur au micro de Djamel Mazi, accompagné de David Lefort, notre journaliste spécialisé dans les questions scientifiques.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Djamel Mazi : Avec ces canicules, on craint la surchauffe dans les services d'urgence. On va sûrement être à plus de 40% d'appels par rapport à la normale. C'est la crainte du patron du Samu parisien, Frédéric Adnet. Il n'y a pas que les plus vulnérables qui sont touchés, puisqu'on voit également que, du côté de Nice, au CHU, il y a environ 30% de personnes âgées, mais pas seulement. Il y a aussi des travailleurs du bâtiment, des sportifs, et des jeunes également.
Anne Sénéquier : À partir d'une certaine température, ne sont plus seulement concernées les personnes les plus vulnérables, qui, je rappelle, sont les plus jeunes, les plus âgées et les patients qui ont déjà des comorbidités, des pathologies déjà présentes et qui risquent une décompensation. Nous devenons tous vulnérables, parce que nous avons tous cette humanité qui a évolué dans un certain cadre de température. On peut s'adapter, mais jusqu'à un certain point, notamment grâce à la thermorégulation qui nous permet de garder une température corporelle à 37,7°C. C'est vrai quand il fait froid, mais il faut que ce soit vrai aussi quand il fait chaud. A partir du moment où il fait trop chaud, le corps lutte pour maintenir cette température et parfois il n'y arrive plus. Parce qu’on a déjà une activité physique, c'est-à-dire les travailleurs en extérieur, les ouvriers agricoles, du bâtiment, et parce que l'activité musculaire génère une chaleur interne.
Quand on a affronté cette vague de chaleur jusqu'à 40 degrés, comme on a vu à certains endroits en France, on se demande si on n'a pas un problème de santé à tel point qu'on a le cœur qui s'emballe, mais c'est normal que le corps souffre.
Anne Sénéquier : Le cœur commence à aller un petit peu plus vite parce que, pour transpirer, le corps doit envoyer le sang vers les périphéries, c'est-à-dire la peau, pour qu'on puisse mieux transpirer et évacuer cette chaleur. Pour que le sang aille plus près des extrémités et plus vite, il faut que le cœur batte un petit peu plus vite. La problématique est que si cette température extérieure ne permet pas le gradient de température, on ne peut pas évacuer cette chaleur. C'est ce qui est à l'origine du coup de chaleur. Le corps ne peut plus se rafraîchir et quand vous avez déjà des problématiques pour que ce fonctionnement marche correctement, parce que vous êtes trop jeune et que ce système n'est pas mature, ou parce que vous êtes âgé et que ce système fonctionne moins bien, ou parce qu'encore une fois vous avez certaines pathologies, cela enraille la machine beaucoup plus vite. Tout un chacun est vulnérable à ces températures extérieures aussi importantes.
"Cela peut arriver à tout le monde"
Tout à l'heure, David, nous allons devoir justement nous habituer à ces phénomènes plus intenses, plus répétitifs. Est-ce que le corps aura le temps de s'adapter ?
David Lefort : C'est le corollaire du réchauffement global. Après, on ne peut pas imputer tous les phénomènes météo extrêmes à ce réchauffement mais on y est confrontés. Chaque organisme va être stressé, et cela dépend de votre histoire, de votre génétique, de l'état dans lequel vous vous trouvez, en termes de santé, en termes de fatigue. Et nous serons, bien évidemment, confrontés de plus en plus à cela. On parle de température aujourd'hui, mais si vous ajoutez la température et le taux d'humidité, les vapotranspirations ne fonctionnent plus.
C'est pour ça que l'humidité augmente considérablement la température ressentie de chaleur.
Anne Sénéquier : En cas de 60-70% d'humidité, la température maximum pour un exercice physique à l'extérieur, c'est 27°C, ce qui est très bas. Ce n'est pas pertinent de toute façon, là tous les clubs de sport qui sont en extérieur ont normalement annulé toutes les réservations parce que c'est véritablement dangereux. Nous avons des exemples, comme celui du chanteur (Michel Berger, ndlr) qui est décédé sur un terrain de tennis sur la péninsule tropézienne dans les années 1990. C'était un coup de chaud, et peu importe les antécédents, cela peut arriver à tout le monde. Je pense que c'est cela qui est important.Quand vous demandiez si on pouvait s’y adapter, je vous le dis clairement, la réponse est non. Nous pouvons nous adapter à quelques degrés, nous pouvons adapter notre logement, notre façon de faire, mais nous ne pouvons pas nous adapter à des températures de 45°C au quotidien. Le MIT a sorti une étude il y a quelques années déjà, disant que certaines régions du globe seraient complètement inhabitables à l'horizon de 2100, si nous continuions dans le scénario "business as usual".
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